Pour les amateurs de Westerns dont je suis, une oeuvre historiquement incontournable. En effet, ce film marquant à sa sortie, décrié, mutilé, censuré a désormais plus de 50 ans (1970). La beauté du CinémaScope n’a pas vieilli et c’est le premier point positif: paysages et acteurs sont magnifiés. Et il y en a beaucoup d'autres... Il est indispensable de le visionner à l’aune de ce contexte seventies. Il a ainsi ouvert la voie à un mouvement de « Vietnam Western » alors que l’Amérique distillait jusque-là aux yeux du monde l’image d’un peuple conquérant, civilisateur, adossé à une armée US maitrisant parfaitement sa force et l’héroïsme de ses soldats ( avec John Wayne...). Cette vision naïve et erronée a été remise en cause brutalement en 1970 par ce Soldat Bleu, bleu au sens de "débutant dans le métier".
Quelques mois après Woodstock, dès la superbe chanson de Buffy Sainte-Marie du générique, on plonge dans le regard de l’Amérique qui doute, qui conteste l'ordre établi, des hippies, de la musique made in US, des promesses d’un avenir meilleur avec la conscience des exactions du passé. On a bien cet éveil dans ce film, les minorités ethniques qui revendiquent leur place, tout ça sur fond de guerre du Vietnam. Les westerns italiens ont bien déjà secoué les certitudes d'après guerre, Soldat bleu "enfonce le clou", merci!
Il y a trois parties dans ce film, un massacre de soldats, brutal suivi de l’épopée originale des deux survivants et enfin le massacre terrible d’un village indien, comme annoncé dans la bande annonce. Ces scènes de violences inédites à l’époque au cinéma et qui plus est commises par l’US Army décidèrent des réactions exacerbées que la sortie du film a engendré aux USA, de son bon accueil ailleurs et en ont fait un film culte. Tension/détente/tension, tel est le canevas du film.
Ce qui en fait à mes yeux un film dérangeant pour une certaine Amérique puritaine c’est aussi ( et surtout?...) la personnalité des deux héros. Lui, le bleu, idéaliste, respectueux, honnête et loyal (c’est le soldat US loyal, précurseur des martyrs d'Omaha Beach tels qu'on les imagine dans les livres d'histoire ..) mais avec ses cheveux trop longs et elle, la magnifique Candice Bergen, la plus belle actrice de sa génération, libérée, nature, lucide, décidée, parfois grossière mais finalement sentimentale et attachante, représentant tout ce qui révulse les conservateurs de cette fin des sixties: la jeunesse des campus, les hippies, l'amour, un défi aux bigots. L’évolution de leurs rapports n’est pas basée sur une domination quelconque mais sur une séduction lente, sans faux-semblants, l’enchainement des épreuves et leurs réactions respectives, sans compromissions les rapprochant tour à tour.
Alors, effectivement, si vous cherchez un film facile, enfonçant le clou de la conquête de l’ouest par un peuple civilisé, porteur de valeurs réactionnaires et moralisatrices face à de méchants sauvages, des bagarres réglées comme des ballets, passez-donc votre chemin. Si au contraire, vous avez aimé Little Big Man et Danse avec le Loups par la suite, pour n’en citer que deux, vous connaitrez leur origine et quel fut le choc reçu par l’Amérique bien pensante face à un tableau peu reluisant de son passé et de la réflexion qu'il entraine.
Peter Strauss n’a peut-être pas connu par la suite la carrière qu’il aurait pu avoir au cinéma mais c'est surtout Candice Bergen, future épouse de Louis Malle, érudite, polyglotte, engagée, pleine d’humour qui crève l'écran. Dans ce rôle de Cresta Maribel Lee, elle incarne à la perfection la femme moderne: belle, rebelle, espiègle, nature, sans préjugés, elle est en tout point magnifique! Dans ce film notamment, sa beauté rayonne, tous comme sa blonde chevelure et son talent nous irradie. Cette actrice éminemment lucide a été cantonnée par la suite à des rôles de faire-valoir dans des œuvres assez inégales. Après une carrière de photographe, elle est revenue au 7ème Art mais elle a été reconnue surtout par le public américain pour des séries télévisées dans la deuxième partie de sa carrière. On peut la voir aussi au cinéma dans des seconds rôles où elle excelle. C'est pourtant son rôle de Cresta qui restera dans ma mémoire.
A voir absolument!!!