J'ai énormément de mal à comprendre en quoi avoir des rapports sexuels, tout en sachant qu'on est séropositif, sans préservatif et sans prévenir son partenaire, est un acte de force ou d'amour ou de je-ne-sais-quoi... Je suis peut-être trop terre-à-terre mais je n'arrive pas du tout à comprendre le point de vue de Cyril Collard que je trouve particulièrement douteux, pour ne pas dire criminel... Si, disons-le !
"Tu peux pas juger ça, tu sais pas c'que ça fait."
Euh si je peux juger. C'est un comportement irresponsable, dangereux, hypocrite et égoïste !
"Tu sais, parfois je suis prêt à tout pour oublier que je crève à petits feux. Tu sais c'que c'est ? Vivre avec cette menace ? Minute après minute."
C'est très touchant tout ça, mais ta souffrance est censée justifier les risques que tu imposes aux autres à leur insu ?
Être sur le point de perdre la vie ne devrait-il pas t'apprendre à quel point elle est précieuse, celle des autres y compris ?
En fait, avec ce film, on est dans la victimisation insupportable où, sous prétexte qu'on souffre, on a un alibi en béton qui justifie tout pour faire n'importe quoi.
Avec une personne qui ne voit la souffrance que quand ça la concerne.
Un "héros" qui veut faire de son film une ode à la vie, avec le fascinant paradoxe de totalement mépriser celle des autres.
Et puis "la rage de vivre". Je rigole...
Le réalisateur vous montre la beauté de la vie nocturne sous les ponts, et attention, ça fait envie ! :
Éponger des gars à l'aveugle dans des rues sordides, se faire même uriner dessus à la demande (je n'invente rien, c'est dans les séquences "pioure émocheune vérité vraie" du film)... Clair que ça vaut le coup de se battre pour pouvoir continuer à servir de cuvette au premier venu.
Il veut vous hurler que la vie est le plus beau des cadeaux, qu'il faut se battre jusqu'au bout pour elle, mais rien dans sa vie ne fait rêver: Alcool, drogue, rencontres de passage, sexe brut à la volée sans sentiments et dégradant...
D'accord il est censé être à la dérive par désespoir, mais le magnifique "héros" du film n'a pas attendu le Sida pour être irresponsable, égocentré et toxique. C'était déjà sa vie avant, et c'est ce qui l'a amené là et pas le contraire. Son désespoir il se l'est créé, et il ne manque pas de contaminer les autres.
Si tu veux donner un sens à ta vie avant de mourir et partir dignement, va plutôt creuser des puits en Afrique, mon gars, parce que les joies du sexe vulgaire et vain sous un pont mal éclairé comme baroud d'honneur forcent plutôt la consternation que l'admiration...
Notre héros, "admirable écorché vif" rebelle avant tout, vit sa vie à cent à l'heure comme un grand, même avec sa tuture, sans jamais se soucier des autres, jusqu'à l'accident.
On est trop fier de lui, quel homme qui nous montre tellement bien à quel point la vie est précieuse à ses yeux. On est forcément convaincu par la démonstration !
C'est très étrange la manière choisie pour montrer le désespoir de perdre la vie.
Que l'on se referme sur soi-même en déprimant et en hurlant à l'injustice me paraît logique, mais que l'on abîme, qu'on salisse carrément le peu de temps qui reste, lance un message assez embarrassant je trouve, et ne rend pas le personnage aussi touchant que le film voudrait nous le présenter.
Ce personnage très ambigue, n'est pas totalement une fiction en fait.
Le scénariste/réalisateur/acteur prend le risque de s'inspirer de ses propres expériences (dixit son roman autobiographique) et de sa fin probable (qui arrivera peu après), sans fioritures ni retenue. C'est courageux, mais la manière dont les questionnements sont amenés vont à l'encontre du respect qu'il aimerait inspirer, et donne à sa "logique" un goût qui ne passe vraiment pas bien.
Il passe son temps à jongler avec le côté "injuste" de sa situation sans jamais se demander si ce n'est pas quelque peu "injuste" que d'autres risquent de se faire contaminer par ses actions.
Et il faut le plaindre... C'est le héros de "son" film en fait !
Les autres personnages du film, évidemment "à fleur de peau" aussi, "pioure émocheune" oblige, n'arrangent vraiment pas le niveau général.
Son copain Sammy est un pur troud*c dans la grande tradition de ce qui est bien puant.
Laura... Oh my God ! Elle se comporte avec une rare bêtise, est terriblement possessive, immature et hystérique. Et pas n'importe quelles crises d'hystérie, les crises d'hystérie pioure émocheune with no simulaicheune vraiment gavantes pour les Césars.
Les dialogues du film sont souvent très mauvais, à tel point qu'ils semblent régulièrement être improvisés.
Avouons quand même que la fin tout au bout de l'Europe est très inspirée. Plus contemplative et moins forcée, elle est ce que le film aurait dû être tout le long.
Reconnaissons également que si son film est globalement mal foutu et finalement très prétentieux malgré une fausse humilité de surface, Cyril Collard est un excellent acteur, au jeu fougueux et passionné.
Dommage que ce soit pour défendre un propos biaisé et une réalité très contestable !
Pour résumer, un film brut et sincère, mais qui oscille constamment entre le touchant, le douteux et le nullissime.
Un film également très paradoxal et hypocrite, et sacrément égocentré, ne voyant le problème que d'un point de vue étriqué et très arrangeant pour son auteur, lui permettant (illusoirement) de se dédouaner.
Mais ce qui est bien le plus douteux, le plus dérangeant, c'est de présenter à l'époque comme le symbole d'une génération, un soi-disant "héros", quelqu'un qui risquait la vie de ses partenaires à leur insu.
C'est incroyable quand même à quelle point la fatuité de certains médias arrive à falsifier la réalité, la renverser en insultant implicitement des victimes collatérales qui n'ont rien demandé, juste pour créer de faux événements "intellectuels" et s'en gargariser.
Tout ce tapage, tous ces hommages de "gens qui savent et ont tout compris (et vont vous apprendre en toute condescendance)" à l'époque - j'y étais -, pour un individu qui osait parler de la vie sans respecter celle des autres.
Puis, passé le phénomène de mode qui remplit glorieusement les discussions dans les cocktails mondains, on s'invente un nouveau sujet "de société" d'importance calculé pour s'astiquer la cervelle et refaire le monde sans rien faire, entre gens de bonne compagnie. Consternant... et terrifiant en fait !
J'ai mis presque 30 ans pour voir ce "chef-d'oeuvre" qui devrait plutôt s'appeler "Les Nuits Pauvres", j'aurais pu encore attendre tant la "leçon de vie" qui en ressort ne me concerne pas.
A voir... par curiosité et témoignage des paradoxes des hommages à la vie que nous pondent régulièrement les médias avides de buzz rentables...