« Et pis, confidence pour confidence, tes comptes sont un peu truqués. Pendant quinze ans, qu’est-ce qu’on a partagé ? Des routes pourries, de la poussière et des coups durs. Jamais rien d’autre. Dans la vie, on partage toujours la merde, jamais le pognon. »
Adapté et scénarisé par Henri Verneuil lui-même, Marcel Jullian et Michel Audiard (pour les dialogues), Cent Milel Dollars au Soleil est l’occasion pour Verneuil de retrouver Jean-Paul Belmondo (Un Singe en Hiver, 1962, déjà avec Audiard), Lino Ventura (Les Lions Sont Lâchés, 1961… avec Audiard) et Bernard Blier (Le Président, 1961… Vous avez compris!) D’ailleurs, on compte neuf collaborations entre Verneuil et Audiard depuis L’Ennemi Public n°1 (1953) jusqu’aux Morfalous (1984).
Belmondo, donc, encore jeune et déjà Bébel, Ventura phénoménal, Blier drôle en sauveteur ironique, tous trois irréprochables chacun dans son rôle, mais aussi Gert Fröbe en patron gras, diabétique et suant, malsain en diable, Reginald Kerman et, surtout, la trop rare Andréa Parisy, voilà pour la distribution, complétée par une multitude de figurants arabes, hélas non crédités, qui donnent le ton exotique à ce grand film d’aventure en forme de course poursuite dans le désert.
S’ils sont rares, les films mettant des camions à l’honneur ont toujours une certaine aura, qu’il s’agisse du Salaire de la Peur (Henri-Georges Clouzot, 1953), de Gas-Oil (Gilles Grangier, 1955, scénarisé par Audiard, ben tiens!), de Duel (Steven Spielberg, 1971), du Convoi (Sam Peckinpah, 1978), ou d’Over the Top (Menahem Golam, 1987) et témoignent souvent d’une réelle efficacité scénaristique. Avec un humour très audiardesque (bitures, bagarres, cynisme, machisme, répliques, bref, une histoires de bonshommes), celui-ci ne déroge pas à la règle. Les scènes de poursuite directe à travers une Afrique du Nord imaginaire et pourtant bien réelle (ah, comme on regrette que le film ne soit pas en couleurs!) sont haletantes, les péripéties diverses permettant d’équilibrer le récit.
Dans ces décors, on pense aussi aux westerns, genre non français par excellence, pourtant. L’image, les variations de la caméra et des plans
(la bagarre finale est tout simplement d’anthologie)
, la musique énergique de Georges Delerue, tout contribue à cette sensation d’un autre monde, d’un film finalement bien éloigné des standards du cinéma français de l’époque et des audiardises en particulier, généralement concentrées sur Paris ou dans des villes de Province.
Au final, ce Cent Mille Dollars au Soleil, dont le chargement n’est qu’un MacGuffin, est une magnifique fresque d’aventure, avec peu de personnages mais des personnages bien typés, dont les liens sont ambivalents, entre concurrence et amitié, combats de coqs incessants. Un film d’aventure atypique qui, effets spéciaux mis à part, tient encore la dragée haute aux productions actuelles durant deux heures (durée rare pour les films français de l’époque) grâce à son rythme, ses dialogues et ses interprètes. Une réussite.