La réputation d’Emmanuelle premier du nom tient surtout à l’énorme succès public qui a été le sien, saisissant indéniablement son époque, et donnant lieu à une inévitable quantité de suites diverses et plus ou moins officielles.
Que peut-on dire qui n’ait déjà été dit ? Eh bien oui, c’est un bon film érotique, mais qui à mon sens ne parvient pas à s’élever au niveau qualitatif d’un Joy par exemple, souffrant de quelques lenteurs, et s’apparentant à un mélange assez vain d’exotisme, d’érotisme et d’ennui haut-bourgeois.
Le casting est emmené par une Sylvia Kristel qui trouvait ici le rôle de sa carrière, et qu’elle porte avec solidité c’est certain. Très à l’aise, son charme gracile et un peu sévère à la fois est un atout, et elle apporte un jeu sobre qui convainc. A ses côtés Alain Cuny est surtout là pour nourrir le propos plus ou moins philosophique du film sur l’amour et le sexe. Sa prestation reste morne, mais il a un charisme et une présence certaine. Il y a aussi quelques bons seconds rôles, mais les personnages restent un peu trop superficiels. Ils sont des caricatures d’une certaine sexualité, parfois un peu trop proches d’ailleurs les uns des autres en termes d’écriture. J’espérais que le film, qui se trouve à une époque charnière, montre mieux les contradictions des années 70 en matière de sexualité pour le coup !
Le scénario souffre de lenteurs certaines, mais c’est caractéristique du style de Jaeckin. Sur une histoire assez convenue narrant les rencontres d’une haute-bourgeoise oisive qui va s’adonner à divers jeux sexuels et à des discussions érotiques avec des inconnus, le réalisateur saisit une époque, une atmosphère, et il y a des éléments intéressants sur la vision de la sexualité. Reste que pendant 1 heure 30 c’est assez longuet, et que l’ennui peut vite poindre devant des scènes érotiques parfois assez molles et des discussions théâtrales aux dialogues trop écrits.
Visuellement Jaeckin nous sert sa recette phare : photographie vaporeuse, lumière pâle, décors classieux, si parfois c’est raté ici c’est plutôt d’un bel effet, avec de jolies scènes, surtout celles qui se déroulent dans le milieu bourgeois. Les scènes exotiques sont moins convaincantes. La réalisation est efficace, avec de belles scènes érotiques souvent filmées avec intelligence. C’est soft, et le seul regret que je ferai au réalisateur sur son travail c’est de vouloir traduire la sensualité par des plans un peu trop lent parfois. Tentative judicieuse mais qui casse un peu le rythme, même si ce n’est pas excessif par rapport à certains pornos par exemple ! Très jolie bande son, porté par une fameuse chanson de Pierre Bachelet.
Le résultat est un film érotique élégant et indéniablement innovant, mais qui reste tout de même assez superficiel, donnant l’impression comme pratiquement tout le cinéma de Jaeckin et à l’instar d’autres réalisateurs érotiques comme Hamilton d’être un joli emballage pour un fond qui n’a pas spécialement de consistance. Ce ne serait l’atmosphère seventies fort bien saisie, et la représentation d’un certain milieu, ce film n’aurait pas spécialement un intérêt notoire sur le fond. 3.5