C'est le premier long-métrage réalisé par Jacques Demy. Auparavant, il avait assisté Grimault et Rouquier, notamment. Il avait aussi tourné cinq courts-métrages entre 1956 et 1959 : Le Sabotier du Val de Loire, Le Bel Indifférent, Musée Grévin, La Mère et l'Enfant, et Ars. Demy se lance dans le grand bain en pleine Nouvelle Vague, accompagné par le chef op' Raoul Coutard (qui venait de magnifier, un an avant, À bout de souffle, de Godard) et le compositeur Michel Legrand (qui le suivra toute sa carrière). Porté par l'esprit innovant de l'époque, le réalisateur est aussi un jeune homme sous influences : Bresson, Cocteau... Le titre de son film, Lola, est par ailleurs un hommage à Ophuls et à sa Lola Montès. Quoi qu'il en soit de ces influences, Demy va laisser libre cours à une inspiration finalement très personnelle. Moins basée sur l'improvisation, comme Godard, par exemple, que sur le mélange de genres et de tons. Lola tient à la fois du conte (avec une princesse moderne qui attend son prince charmant), du film noir (avec cette histoire de trafic de diamants et de mauvais destin pour le personnage de Roland), de la comédie et du mélodrame. Le tout traversé de tentations musicales et de réflexions vaguement existentialistes (via, une nouvelle fois, le personnage de Roland). Espoir et désespoir, légèreté et amertume se fondent avec grâce dans ce récit qui est comme un tourbillon de la vie, pour faire référence à la chanson de Jules et Jim (qui date de 1961 également). Un tourbillon de la vie mis en scène, ici, avec une maestria étonnante. Demy orchestre son film choral, ses chassés-croisés, avec une fluidité et une précision formidables. Les fils du destin s'emmêlent et se démêlent ; les personnages, toujours en mouvement, se croisent, se trouvent, se ratent, sur un mode tournoyant. Le spectateur assemble les pièces d'un puzzle où tout s'imbrique parfaitement, sans jamais donner l'impression d'un canevas schématique. Cette quête naïve d'un bonheur aux accents mélancoliques, sur fond d'images en N & B baignées de lumière, dégage une fraîcheur et une poésie sur lesquelles le temps n'a pas de prise. Premier film de Demy, Lola est aussi probablement son meilleur film.