A Nantes, 3 jours suffisent pour lier les destins de 6 personnes au carrefour de leur existence. Un relatif manque de moyens modifie bien largement la tournure du film, additionné au passage de George de Beauregard à la production grâce à l’intervention de Jean Luc Godard. Le producteur accepte de se lancer dans le projet en conditionnant les ambitions de Jacques demy : la couleur s’efface au profit du noir et blanc, il abandonne la comédie musicale et Jean-Louis Trintignant et remplacé par le tout aussi talentueux Marc Michel. Le budget manquant pour disposé de ses décors laisse donc place à un film en noir et blanc filmé dans un cadre naturel des rues de Nantes, qui confère un attrait indigent typique des premières œuvres de la nouvelle vague. C’est en 1957 que Jacques Demy commence à écrire le scénario de Lola, intimement rédiger, pour finalement sortir en salle en 1961. Le film qui devait s’appeler " Un billet pour Johannesburg " raconte l’histoire d’une jeune danseuse de cabaret qui attends le retour de son mari depuis 7 ans en élevant seule son petit garçon. Elle rencontrera son vieil ami, Rolland Cassar, un jeune homme rêveur ennuyé de sa vie, marchant sur un fil qui sépare la réalité et l’imaginaire. Au cinéma, c’est toujours plus beau", dit alors la tenancière de café à Roland : en faisant coïncider la fiction et réalité au sein du personnage de Marc Michel. On observe un personnage au désir d’émancipation accru, abattu par sa vie insipide. Lola, qui est d’ailleurs son nom de scène( son vrai nom est Cécile ), est quant à elle une femme douce, sensuelle, qui charme les hommes malgré elle, elle aime plaire mais fera preuve d’une fidélité éternelle pour Michel, au point de coucher avec un marin américain pour sa ressemblance avec son mari disparu. Anouk aimée avouera même que c’est le plus beau personne qu’elle aura interprété de sa carrière.
Tout est annexé au destin déchu de Lola, la petite Cécile qui se met à fumer lors de la scène du dîner avec sa mere et Rolland, qui de plus répète qu’elle veux devenir danseuse à l’instar de Lola, la rencontre entre la fillette et Frankie qui évoque la relation entre Lola et Michel ou encore Mme Desnoyers, ancienne danseuse, qui élève seule son enfant. Le film prend de fil en aiguille un aspect cyclique, qui de sort en sort renvoie a l’existence de Lola. L’entrelacement des destins est mis en scène par la métaphore du manège lors de la séquence avec Cécile et Frankie, cette scénographie lie inconsciemment tous les personnages entre eux et crée une cohérence presque spontanée. Jacques Demy fait également référence au cinéma américain à l’image de la rencontre de la petite Cécile, à la recherche d’un dictionnaire français-anglais, et de Frankie. La bande originale mêle d’ailleurs la Septième de Beethoven avec la musique jazzy de Michel Legrand, qui a remplacé au pied levé Quincy Jones. Dès le premier plan, l’arrivée du cow-boy en Cadillac blanche, avec son chapeau vissé sur le crâne et un cigare aux lèvres, est révélatrice de la pénétration du mythe américain dans l’imaginaire français. Lola est un film charmant et mélancolique, comblé par la courtoisie et le bon vivant, une symbiose de cinéma, entre le réalisateur et ce qu’il en ressort.