Cela fait une éternité que je veux voir Yajimbo et c'est le genre de film où je ne comprends pas pourquoi j'ai attendu aussi longtemps. Si je ne suis pas nécessairement un grand admirateur de Kurosawa, enfin de la poignée de films que j'ai vu de lui, c'est peut-être l'une des premières fois (avec Rashomon) où je comprends l'engouement.
Il est aisé de dire du bien de la mise en scène, de comment elle sublime le personnage de Mifune, comment elle décuple son charisme, comment elle fait monter la tension jusqu'au dénouement, bref et intense. La musique n'est pas en reste non plus, elle accompagne magnifiquement bien le long métrage. Mais ce qui m'a marqué c'est comment Kurosawa utilisait les décors pour avoir un environnement géographique intéressant, reconnaissable et comment ça aide le film à gagner en crédibilité.
En fait en extérieur on a principalement une seule rue d'un petit village. Elle est magnifique cette rue, avec son arbre au fond, ses maisons à droit et à gauche, les feuilles qui bougent au gré du vent, parfois un peu de fumée qui se mêle à la composition, c'est juste parfait. Et avec cette rue on comprend les antagonismes, un clan est au début de la rue, l'autre au bout de la rue. Le spectateur ne peut pas se perdre, se demander qui est qui, qui est où. C'est important.
Et surtout ce décor très limité permet d'y donner vie, d'y donner de la consistance et d'y projeter le spectateur. Disons que le climat n'a pas l'air d'y être le plus agréable avec la guéguerre qui s'y déroule, mais le village a l'air sympathique. On a envie que la situation s'améliore, que l'on puisse à nouveau arpenter cette rue en toute quiétude.
Disons que j'apprécie vraiment le côté microcosme parfaitement délimité géographiquement. Et je pense que ça participe à l'universalité de l'histoire et ce n'est pas pour rien que plein d'autres films s'en sont ensuite inspirés (faut que je vois le Walter Hill). L'histoire est simple, efficace, il n'y a rien en trop, rien à rajouter et elle est ancrée localement d'une manière tellement organique, que finalement, elle en devient universelle. C'est ça que je trouve formidable, cette jonction entre un décor et un thème quasiment mythologique. Cette histoire pourrait se passer n'importe où, mais le souffle que lui apporte son ancrage la sublime. Kurosawa utilise plutôt les archétypes du voyageur solitaire plutôt qu'un décor quasiment neutre pour faire en sorte que chacun puisse rentrer dans son histoire. Vu que ce n'est pas aseptisé, ça permet d'y croire.
Ce qui fait que finalement on n'est déjà pas loin du western, notamment sur la fin lorsque Mifune débarque dans un nuage de fumée au bout de la rue...
Vraiment c'est un régal.