Uranus, c’est « l’astre sombre et glacé » qui pèse de tout son poids sur la France de l’après-Seconde Guerre mondiale, une France officiellement en paix mais dont le climat social et politique n’a rien de très pacifique. C’est le temps de « l’épuration », rarement montré au cinéma. Un temps de tensions et de règlements de comptes, dont l’histoire française aurait aimé effacer quelques facettes peu glorieuses. Le film, adapté d’un roman de Marcel Aymé, a d’ailleurs suscité de vives polémiques et controverses à sa sortie, 45 ans après les faits évoqués.
Uranus offre en mode choral un tableau de cette France d’alors, qui est aussi un bilan de la France sous l’Occupation, avec ses vrais ou faux résistants, ses « cocos », ses anciens miliciens collabos, ses pétainistes de toujours, ses commerçants opportunistes, ses humanistes idéalistes… Une belle brochette de portraits, croqués avec une lucidité calme, en évitant toute prise de parti ou leçon de morale politique. Le film renvoie dos à dos les radicaux fascistes ou de gauche, en matière de dénonciation et de condamnation mortifères, et conclut sur la lâcheté et l’hypocrisie de la majorité des gens. La dimension critique, ici, est cependant toujours pondérée par une certaine compassion pour le genre humain, dans toutes ses imperfections. Ce qui donne au récit une belle qualité de regard, amère certes, mais tout en nuances. Accompagnée d’excellents dialogues.
Claude Berri a su par ailleurs, de manière plutôt heureuse, contrebalancer la tonalité délétère de l’histoire en focalisant sur un personnage haut en couleurs, celui du cafetier pochtron et poète, qui accueille enseignant et écoliers dans son bistrot, qui est capable de s’émouvoir en écoutant ou récitant l’Andromaque de Racine, comme de se laisser emporter dans les plus tonitruantes fureurs. Incroyable Depardieu, qui en fait beaucoup mais qui impressionne. On notera aussi la performance étonnante de Daniel Prévost, en contre-emploi, et la qualité d’ensemble du casting, qui regroupe une belle partie du gratin du cinéma français de l’époque.