Le Passager de l'été est le premier long métrage réalisé par Florence Moncorgé-Gabin. Fille aînée de Jean Gabin, née en 1950, elle s'est fait connaître dans le monde du 7e art comme scripte. Elle a notamment longtemps collaboré avec Claude Pinoteau (sur La Gifle ou La Boum par exemple), et travaillé avec Claude Lelouch (Attention bandits, Un homme et une femme : vingt ans déjà) ou encore sur des films interprétés par son père (Les Granges brûlées, L'Année sainte). En 1986, elle réalise un court métrage, Les Pros : elle s'y livre à une comparaison entre le métier d'acteur et celui de jockey, avec Jean-Paul Belmondo et Yves Saint-Martin. Elle a écrit en 2003 Quitte à avoir un père, autant qu'il s'appelle Gabin (une phrase que lui a lancée Béatrice Dalle pendant le tournage d'On a volé Charlie Spencer ! de Francis Huster), succès de librairie dans lequel elle brosse un portrait de son illustre père et livre ses propres souvenirs de tournages.
"J'avais cette histoire en moi depuis très longtemps. Je ressentais l'envie de raconter un amour impossible, dans un monde que j'ai bien connu pour y avoir grandi, celui de la campagne. C'était juste avant que les paysans ne deviennent des agriculteurs, avant que les tracteurs et la mécanisation ne bouleversent un monde artisanal. J'avais également envie d'aborder le désir des femmes de différentes générations, attirées par un même homme (...) Là-bas, surtout à cette époque, il y avait davantage de non-dits, de codes, d'usages, ce qui contrastait d'autant plus avec la passion. L'étincelle m'est venue lors d'un mariage auquel j'étais invitée. Je logeais dans un gîte, à la ferme. Je me suis aperçue qu'il n'y avait que des femmes pour l'exploiter. L'absence d'homme faisait régner une atmosphère incroyable. Je me suis mise à écrire dès mon retour."
La cinéaste revient sur l'évolution du projet : "J'ai écrit cette histoire comme un roman. J'ai fait plusieurs moutures que j'ai laissées de côté quand on m'a demandé d'écrire un livre de souvenirs en 2001. En 2003, j'ai tout repris, mais j'avais trop longtemps travaillé seule et je manquais de recul. J'ai fait appel à mon complice, Pierre Granier-Deferre, le réalisateur de La Veuve Couderc et de La Horse. Paradoxalement, bien qu'il n'apprécie pas spécialement la campagne, il est un de ceux qui l'ont le mieux filmée. Il m'a poussée à plus de concision, nous avons resserré sur certains personnages. Nous avons gardé la quasi-totalité de mes dialogues. C'est à cette époque que j'ai rencontré Alain Terzian (le producteur)."
Catherine Frot parle de ce qui l'a séduite dans le scénario. "J'ai été attirée par ces valeurs, ces silences, ces regards, les sentiments vrais et les non-dits. Ils sont comme des voix dans la nuit. L'épure de l'histoire laissait une grande place à l'incarnation (...) Une partie de ma famille vient du Cotentin mais, enfant, je ne suis jamais allée dans cette région [le film a été tourné du côté de La Hague]. Mon grand-père m'en a beaucoup parlé. Ce film, par la solitude qu'il décrit, m'a rappelé certains contes de Maupassant. La campagne y a quelque chose d'austère et de sauvage, avec la dureté de la terre, le temps chargé avec un peu de ciel bleu qui s'ouvre. Les personnages ont des caractères qui ressemblent un peu à ces paysages."
Le Passager de l'été est le quatrième long métrage que tournent ensemble Catherine Frot et François Berléand. Les deux comédiens ont en effet partagé l'affiche de Dormez, je le veux! d' Irène Jouannet en 1998, d'Eros thérapie de Danièle Dubroux en 2004 (deux films dans lesquels Frot et Berléand sont mariés) et des Soeurs fâchées d'Alexandra Leclère (ils sont cette fois belle-soeur et beau-frère). On notera que les quatre films qui les réunissent sont réalisés par des femmes.
Monstre sacré du cinéma, Jean Gabin était aussi un amoureux de la vie rurale. "Il a commencé en 1953 avec quelques lapins et un âne. Il a fini en 1976 avec presque 300 têtes de bétail et une quinzaine de chevaux de course", résume Florence Moncorgé-Gabin dans son livre. L'image de ce père était donc forcément très présente pendant l'écriture du scénario du film : "Quand j'ai commencé à écrire, des choses vécues pendant mon enfance me sont revenues, teintées de ce que mon père (...) véhiculait. Pour tous, c'était un acteur, mais pour nous il était aussi un paysan", explique la cinéaste. "Le personnage de Joseph est inspiré à la fois de ce qu'il aurait pu être jeune, et de l'image qu'il pouvait donner dans ses premiers films. Même si je n'y ai pas pensé consciemment au moment de l'écriture, tout s'est mélangé dans ma tête."
Le personnage de Pierre adulte, qui apparaît brièvement au début et à la fin du film, est interprété par Samuel Le Bihan, un comédien qui remporta en 1999 le Prix... Jean Gabin, remis chaque année à un jeune acteur prometteur. Ajoutons que Paulo, l'adolescent, a les traits de Jean-Paul Moncorgé, fils de la réalisatrice, et petit-fils de Jean Gabin.
Dans un premier temps, la réalisatrice avait pensé intituler son film Le Dernier harnais