Pour son premier long métrage, dans lequel il est question des conséquences d'un licenciement, la cinéaste s'est inspirée de sa propre expérience professionnelle dans un hôpital : "Je travaillais sur l'accompagnement des mourants, et juste un an avant que je décide de quitter la boîte qui m'employait, notre directrice a été licenciée et remplacée par ce qu'on appelle "un nettoyeur" : il est arrivé en octobre, et en décembre, il y avait déjà deux personnes licenciées, puis très rapidement, ça a été tout le personnel permanent qui a été écarté. Fautes lourdes, dépressions, licenciements abusifs... En mettant la pression, leur objectif était de nous virer à coût zéro. Peu de temps après, j'ai commencé à travailler sur ce projet de film avec mon co-scénariste Franck Vassal, philosophe de formation, qui avait vécu la même chose que moi puisqu'il était le deuxième sur la liste des licenciements." Pour le personnage-clé de Simon (Jean-Michel Portal), qui met fin à ses jours, la réalisatrice s'est inspirée d'une femme qui s'est réellement suicidée en s'enfermant dans sa voiture avec des bonbonnes de gaz, pour les mêmes raisons que le jeune homme dans le film.
Si le film film s'ancre fortement dans la société contemporaine, et évoque des sujets abordés chaque jour dans les journaux (le chômage, la vie dans les entreprises), la cinéaste a souhaité s'éloigner du documentaire. Elle explique sa démarche : "En écrivant, nous savions qu'il était essentiel pour nous de prendre du recul par rapport à ce que nous avions vécu. On a ressenti le besoin d'insuffler de la fiction, d'imaginer des cadres, des lumières, d'emmener le récit du côté du polar... Il ne s'agissait pas de raconter fidèlement ce qui s'était passé mais de rendre compte d'un certain nombre de questions que nous nous étions posées à cette époque : pourquoi, et surtout comment faisons-nous pour accepter l'inacceptable, encore et encore, y compris sur des petites choses de la vie quotidienne ? De quels arrangements sommes-nous capables pour tolérer ce que nous jugeons moralement intolérable ? Qu'est-ce qui fait qu'à un moment, un individu se soumet librement à quelqu'un qu'il ne respecte même pas ? Avec en filigrane une autre question : et si la normalité était du côté de celui qui se rebelle ?"
Sauf le respect que je vous dois est le premier long métrage réalisé par Fabienne Godet, une jeune cinéaste originaire d'Angers, remarquée en 1999 grâce à son moyen métrage La Tentation de l'innocence, présenté à la Quinzaine des Réalisateurs, et dans lequel Emmanuelle Devos jouait le rôle d'une avocate. Auparavant, Fabienne Godet a suivi deux formations à l'université : psychologie puis cinéma. Elle a également fait du théâtre et travaillé à mi-temps dans un organisme de santé. Elle a tourné son premier court métrage, La Vie comme ça, en 1992.
François, alias Olivier Gourmet, adopte un comportement violent. La réalisatrice a souhaité que le spectateur, à l'image de la journaliste incarnée par Julie Depardieu, comprenne comment ce personnage en arrive là. "Pendant l'écriture, j'ai effectué un stage de trois mois à la PJ de Versailles, à la Criminelle. Par moments, je me disais que les personnes en face de moi, de l'autre côté de la loi, ne m'étaient pas étrangères. Ca aurait pu être moi, un "moi" qui aurait basculé. C'est dans cet esprit que je voulais que l'on s'approche de la violence de François, sans pour autant la légitimer : en la comprenant, en s'identifiant à lui, en éprouvant en même temps que lui ce basculement dans une révolte qu'il ne contrôle plus. C'est ce qui arrive à cette journaliste : elle entre en résonance affective avec le sujet de son enquête et devient un relais pour que la souffrance de François, qui est à l'origine de sa violence, soit entendue."
A propos du titre du film, Olivier Gourmet raconte : J'ai demandé à mes enfants ce que leur évoquait le titre et ma fille m'a répondu quelque chose d'assez sympathique : "Sauf le respect que je vous dois", c'est comme "va te faire foutre !" Et j'ai dit : "oui, c'est ça..." On a beaucoup trop de respect par rapport à certaines choses... Et ce film veut dire : "Ca suffit !" C'est un vrai cri de colère... J'aime bien les films où l'on dit : "Ca suffit", sans prétention, sans donner de leçon, où il y a même un plaisir de divertissement." L'acteur-fétiche des frères Dardenne ajoute : "Après avoir lu le scénario, j'ai dit très vite oui à Fabienne parce qu'il y avait quelque chose de fort qui était dit par rapport au contexte humain et social d'aujourd'hui."
Mari et femme dans Sauf le respect que je vous dois, Olivier Gourmet et Dominique Blanc avaient déjà partagé l'affiche de trois longs métrages : Ceux qui m'aiment prendront le train, Le Lait de la tendresse humaine et Peau d'ange.
Dominique Blanc évoque sa rencontre avec la réalisatrice : "La première fois que j'ai rencontre Fabienne Godet, au bout d'un quart d'heure, on a parlé de la mort, ce qui est une chose qui n'arrive jamais dans la vie courante, et encore moins dans la vie professionnelle, où l'on est plutôt du côté des artifices. J'ai trouvé ça tellement étonnant, que quand je suis rentrée chez moi, je me suis dit que, sûrement, j'allais travailler avec cette femme. Son scénario a achevé de me convaincre."
Deux des personnages centraux du film sont interprétées par Julie Depardieu et Marion Cotillard. Les deux comédiennes ne s'y donnent jamais la réplique, mais, quelques mois après le tournage de Sauf le respect que je vous dois, elles se sont retrouvées sur le plateau de Toi et moi (à l'affiche en mars 2006), une comédie de Julie Lopes-Curval dans laquelle elles incarnent deux soeurs à la vie sentimentale mouvementée.
Marion Cotillard incarne Lisa, une jeune femme qui se tient à l'écart des normes sociales. La réalisatrice parle de ce personnage singulier : "Lisa s'inspire de deux ou trois personnes qui me sont proches, des gens profondément vivants et libres parce qu'ils se savent mortels ; non pas de façon intellectuelle mais viscérale. Ils ont l'énergie de ceux qui savent que le temps est compté et qui n'en font pas toute une histoire. Ce qui importe pour eux, c'est de mener une vie "vivante" et ils refuseront toujours de se laisser enfermer dans quoi que ce soit. Dans ce sens, Lisa est le complémentaire indispensable de François. Lui est resté longtemps prisonnier de sa peur. Elle, à l'inverse, fonce tête baissée (...) J'aime bien ce genre de personnes, un peu en marge, parce que je crois qu'elles détiennent une vérité. Elles ont un point de vue privilégié sur le monde." Pour l'anecdote, ajoutons que la comédienne se prénommait déjà Lisa dans le film homonyme de Pierre Grimblat.
Un des policiers qui effectue la percquisition au domicile de François et Clémence est interprété par Dominique Loiseau. Il s'agit d'un ancien inspecteur de la Brigade de répression du Banditisme, qui s'était retrouvé mêlé à une affaire de flics ripoux. Il n'avait alors cessé de clamer son innocence, bénéficiant du soutien de nombreux policiers, mais fut néanmoins condamné à douze ans de réclusion criminelle en 1990. Gracié en 1993, il s'est depuis reconverti dans le nautisme... et le cinéma. Son ex-collègue Olivier Marchal l'a engagé comme chauffeur régie sur 36 quai des orfèvres, et lui a dédié ce film (qui évoque d'ailleurs en partie son histoire). Fabienne Godet avait réalisé en 2004 pour le petit écran un documentaire sur "l"Affaire Loiseau", intitulé Le Sixième homme.