Richard Dembo est décédé en plein montage de La Maison de Nina, le 11 novembre 2004, à l'âge de 56 ans.
Le 24 mai 2004, soit un mois avant de se lancer dans le tournage du film, Richard Dembo écrivait : "Raconter aujourd'hui l'histoire de cette maison et des enfants qui y vécurent répond à une nécessité profonde. Que tous ceux pour qui cette histoire est celle de leur survie veuillent bien me pardonner les libertés que j'ai prises pour la restituer. Cette fiction était sans doute le seul moyen de rendre compte de ma propre difficulté à être entièrement vivant aujourd'hui."
Le producteur Alain Rozanes explique pourquoi Richard Dembo tenait à revenir sur cet épisode peu connu de la Libération : "Beaucoup de personnages du film ont existé. Richard connaissait leur histoire d'une manière ou d'une autre : en ayant lu des choses ou en les ayant connus plus ou moins personnellement. Richard a eu des copains qui ont été des enfants cachés pendant la guerre. Il a aussi connu Elie Wiesel, dont le surnom était Leiser. Il s'en est inspiré pour le personnage de Leiser dans le film. D'après ce qu'il nous a dit, cette histoire le travaillait depuis très longtemps. Lui-même était juif, sa famille était originaire des pays de l'Est. Et puis gamin, il a été dans des colonies de vacances qui étaient dans ces maisons. Il connaissait donc l'endroit."
Alain Rozannes se souvient de sa réaction, et de celle de Pascal Verroust, après l'annonce de la mort de Dembo : "On a été détruit par son décès. On est resté pendant dix jours assis, les bras ballants, sans pouvoir bouger (...) et puis après on repense aux bons moments, à la fin du tournage. Il était tellement heureux (...) Alors, on a réuni l'équipe de post-production et on leur a dit : "On va vous demander quelque chose qui ne sera pas toujours facile et on va le vivre ensemble." C'est ce qui s'est passé." A propos du choix de poursuivre le montage malgré la disparition du cinéaste, Pascal Verroust précise : "Si un peintre laisse une toile inachevée, on peut la voir. Un film, on ne peut pas le laisser inachevé : il n'existe pas. Ce film était arrivé à un état d'aboutissement qui impliquait qu'on aille jusqu'au bout et qu'on le donne à voir. Il n'empêche qu'on a fait ça la peur au ventre : celle de se tromper, de dénaturer le film de Richard."
Bouleversée par le scénario ("J'ai pleuré dès la dixième page", confesse-t-elle) et notamment par le personnage de Nina (inspiré d'une femme qui a réellement existé, Niny Cohen), Agnès Jaoui a immédiatement accepté de faire partie de cette aventure. Elle a cependant émis quelques réserves à propos de la place qu'occupe la religion dans le récit. Elle raconte : "J'ai rencontré Richard Dembo et je lui ai ai tout de suite dit : "Je voudrais qu'une chose soit bien claire : je suis tout à fait laïque." Il m'a répondu : "Personne n'est parfait !" Et on a rigolé. Pour moi, Nina est un personnage laïc et il me l'a confirmé. C'était important qu'on soit d'accord là-dessus, la religion est l'une des solution pour ces enfants, mais pas LA solution" Plus généralement, la comédienne note : "Le film raconte vraiment comment réapprendre à vivre après l'horreur, comment retrouver un sens à sa vie (...) C'est la question de la résilience dont parle Boris Cyrulnik. C'est pour ça que le film raconte aussi n'importe quel autre génocide, y compris les génocides actuels. La Maison de Nina raconte la transmission et la reconstruction."
La maison dans laquelle le film a été tourné était familière à Richard Dembo. Et pour cause... comme le révèle Pascal Verroust : "C'est l'une des belles histoires du film. La personne chargée des repérages est arrivée avec des photos et on s'est tous mis immédiatement d'accord sur l'une d'entre elles, qui avait toutes les caractéristiques idéales. Et quand ils ont visité la maison -qui était à moitié abandonnée- Richard s'est rendu compte qu'il était dans la maison où il avait tourné La Diagonale du fou. Il nous a appelé en pleurs."
Agnès Jaoui évoque ses souvenirs de tournage : "Ce qui est bizarre, c'est que l'émotion n'est pas venue de là où on l'attendait. Très vite sur le tournage, on a oublié la réalité de ce que nos personnages représentaient. C'était du genre : "Les déportés à gauche, les enfants cachés à droite." Pour ces enfants, tout ça s'est passé il y a des générations. Bien sûr qu'ils savent, qu'on en a parlé et que c'était complètement présent. Mais de manière dédramatisée. Par contre, ce qui était assez émouvant et surprenant, c'est comment le contexte religieux actuel a fait surface. Quand les enfants religieux repartaient le soir, ils étaient habillés normalement, en "jeunes", une casquette sur leur kipa. Puis j'ai compris qu'ils cachaient leur kipa à cause desproblèmes éventuels qu'ils pouvaient rencontrer dans leur quartier. Le rapport parfois problématique à la religion se faisait également sentir quand je portais des décolletés, ouencore le vendredi soir, quand il y avait des pots de tournage et que certains jeunes ne venaient pas parce qu'ils faisaient shabbat. Et ils mangeaient cacher aussi bien sûr. À la régie, il y avait des musulmans qui, à la fin, étaient plus attachés aux petits que n'importe qui d'autre. Bref, les difficultés de vivre ensemble avec des croyances et des coutumes différentes se retrouvaient dans la réalité du tournage. C'était troublant."
Lorsque Richard Dembo est mort, les producteurs disposaient d'un premier montage (autrement appelé "ours") d'une durée de 2h38 ainsi que d'une version alternative de 2h15 supervisée par le réalisateur. Dembo et les producteurs avaient passé deux jours en salle de montage pour discuter de la version de 2h38, la monteuse Isabelle Devinck ayant pris d'abondantes notes pendant ces conversations. "Isabelle Devinck a été extrêmement importante sur toute la fin du film. Elle a vécu quelque chose d'inouï (...) Mais elle a été un roc pendant le montage", confie Alain Rozannes.
Pour prendre les différentes décisions concernant le montage, après le décès de Richard Dembo, une équipe a été constituée, comprenant la monteuse Isabelle Devinck, les producteurs, mais aussi Jessica, la veuve du cinéaste, à qui est revenu le final cut. Héroïne du film et elle-même réalisatrice, Agnès Jaoui a elle aussi donné son avis sur différents points. Enfin, les producteurs, qui savaient que Dembo en avait l'intention, ont consulté Jean-Paul Rappeneau et Costa-Gavras.
Une grande partie du casting de La Maison de Nina est composée d'enfants. Certains d'entre eux ont été choisis dans des écoles religieuses, car il fallait qu'ils s'expriment en yiddish et connaissent les traditions. Mais plusieurs enfants et adolescents du film n'en sont pas à leur première expérience de tournage. Outre Gaspard Ulliel, le Manech d'Un long dimanche de fiançailles, on retrouve ainsi Lola Naymark, la révélation de Brodeuses, , Claire Bouanich, qui attendrissait le bougon Serrault dans Le Papillon, Vincent Rottiers, l'ado pris en charge par Vanessa Paradis dans Mon ange, Adèle Csech qui incarnait Eva Green jeune dans Arsène Lupin, Jérémy Sitbon, vu dans Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran ou encore Alexis Pivot, qui débuta en 1995 dans La Cité des enfants perdus.