Plus qu'un film choral, "Selon Charlie" est un film puzzle. Il y a bien une unité de lieu (une station balnéaire sous la pluie), une unité de temps (quelques jours), mais surtout une mosaïque d'actions, présentes ou passés, dont nous ne découvrons que des bribes. On devine assez vite que chacun de ces personnages va rencontrer les autres, quand ils ne partagent pas déjà un passé, et souvent un passif. C'est assez virtuose, peut-être un peu trop : à vouloir construire une intrigue qui justifie la collision entre ces nombreux personnages, tout en cultivant à ce point l'ellipse, on a parfois l'impression d'être des entomologistes en train d'observer des coléoptères dans un enclos. Les personnages s'agitent, mais ils n'ont pas le temps d'exister, et les crises -nombreuses- sonnent faux, comme des exercices de première année du conservatoire...
Même sentiment d'incompréhension en ce qui concerne Charlie, sorte de Tazio impénétrable : qu'est-ce qui le motive à se comporter ainsi ? "Selon" Charlie suppose un point de vue ; or, nous devinons son mal-être, nous le voyons agir, mais rien de nous permet de le comprendre. Seul à échapper à cette évaporation des personnages : Jean-Pierre Bacri, en maire un peu beauf harcelé par son directeur de cabinet qui lui reproche ce qui en fait quelqu'un d'attachant, à savoir sa proximité des gens ; et le voir, juste après s'être fait sommer de rompre avec sa maîtresse, se faire happer et prendre la tête d'une chenille de petits vieux dans un banquet électoraliste est assez jubilatoire. Mais cette performance ne suffit pas à sauver ce film d'un certain ennui, et la réalisation léchée ne réussit pas à dissimuler un aspect tout compte fait assez vieillot, celui des drames psychologiques à la française.
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