Adapté de "Meg: A Novel of Deep Terror" né de la plume de Steve Alten (1997), En eaux troubles est un projet qui remonte à plus de vingt ans, puisqu'en 1997, Disney comptait déjà faire un film à partir du roman. La trame se centrait sur l'expédition de deux plongeurs au fin fond de l'océan qui cherchent à éliminer un Mégalodon avant que celui-ci ne fasse un carnage sur les plages de Californie. Le studio a finalement renoncé au projet pour ne pas entrer en compétition avec Peur bleue de la Warner, un autre film de requin qui est sorti début 1999 et qui a réalisé le joli score de 150 millions de recettes mondiales pour un budget de 60 millions (il s'agit même du shark movie le plus cher avant En eaux troubles et son budget de 130 millions de dollars).
Frustré que l'adaptation de son livre n'ait pas abouti, Steve Alten a écrit son propre scénario et et l'a montré au producteur Nick Nunziata, qui le donna ensuite à Guillermo del Toro. Ce dernier le transmit à son tour à Lawrence Gordon et Lloyd Levin, qui venaient de produire Lara Croft Tomb Raider: Le berceau de la vie (2003) réalisé par Jan De Bont. Sollicité, le réalisateur de Speed déclina toutefois la proposition.
Pas loin de dix ans après, en 2015, Eli Roth est pressenti par la Warner pour être aux commandes du film. Mais le cinéaste d'Hostel, connu pour ses films plutôt violents, laisse lui aussi tomber le navire. La raison ? Il souhaitait faire un film "Rated R", ce qui signifie que les mineurs (17 ans et moins) doivent être accompagnés d'un adulte s'ils veulent voir le film. Des rumeurs stipulaient également qu'il voulait jouer le rôle principal, ce qui n'était pas possible pour le studio comme le grand public ne connaît pas son visage. Il a été remplacé par un spécialiste du divertissement en la personne de Jon Turteltaub (Benjamin Gates et le Trésor des templiers). Jason Statham a ensuite été le premier à être casté dans le rôle du plongeur faisant face au prédateur.
La machine à tuer au centre de En eaux troubles se nomme le Mégalodon, une espèce qui s'est éteinte il y a plusieurs millions d'années et qui est l'ancêtre probable du grand blanc. Les fossiles trouvés par les scientifiques suggèrent que cette créature pouvait mesurer jusqu'à 20 mètres ! D'autres longs métrages s'étaient préalablement intéressés au Mégalodon, comme Shark Attack 3: Megalodon ou encore Mega Shark vs Giant Octopus.
Le budget du film est estimé à 150 millions de dollars, ce qui fait d'En eaux troubles le film de requins le plus cher, et de loin. A titre de comparaison, Les Dents de la mer avait coûté 8 millions et Peur bleue, qui détenait le record, 60 millions.
En eaux troubles lorgne davantage du côté de l'action/science-fiction que de celui du réalisme façon The Reef ou Dark Tide (où de vrais squales ont été filmés), avec un requin bien plus imposant que ceux que l'on peut voir dans les documentaires animaliers (et dont l'existence est au jour d'aujourd'hui peu probable).
En eaux troubles ne marque pas la première fois que la star de films d'action Jason Statham doit se frotter aux terrifiants squales ayant alimenté nos plus grandes peurs depuis Les Dents de la Mer. Dans Mechanic Résurrection, la suite du Flingueur sortie en 2016, le comédien avait été contraint de plonger dans une mer infestée de requins pour s'échapper de la prison au sein de laquelle il était incarcéré. Le personnage avait même dû mettre un produit spécial sur sa peau pour ne pas se faire attaquer une fois dans l'eau. On a d'ailleurs pu le voir échapper de peu à un grand requin blanc, le temps d'une courte séquence.
Le film de requin n'est décidément pas prêt de disparaître ! Après les récents Instinct de survie dans lequel la surfeuse Blake Lively tentait d'échapper à un grand requin blanc et 47 Meters Down où deux plongeuses voyaient le câble de leur cage anti-requins céder, voici En eaux troubles, centré sur un requin préhistorique de 23 mètres.
Tout comme celui des requins actuels, le squelette du mégalodon est constitué de cartilage plutôt que d’os : il y a donc peu d’éléments permettant de reconstituer le requin, si ce ne sont des dents et quelques vertèbres fossilisées. Adrian de Wet, le superviseur effets visuels, explique : "Il y a toute une formule pour obtenir la taille de la créature à partir des dents, mais il y a beaucoup de théories différentes sur l’aspect réel de ces requins. On a commencé par s'intéresser aux différentes hypothèses des scientifiques, archéologues et paléontologues, et on s’en est servi comme point de départ. On s’est bien amusés à concevoir l’aspect du Még, mais on a fait beaucoup, beaucoup d’essais avant d’approcher du résultat final. On voulait que le requin soit énorme, imposant, terrifiant, mais également majestueux et gracieux dans l’eau. Et surtout, il fallait garder à l’esprit que le mégalodon n’est pas une version géante du requin blanc."
Au sujet de la peau de l'animal, il poursuit : "Nous avons choisi une teinte brune irrégulière, pour lui donner de la texture. Le requin s’est battu avec pas mal d’autres animaux, si bien qu'on a rajouté des égratignures, des cicatrices, et sa nageoire dorsale comporte des trous et des traces de morsure. Il y a même quelques berniques qui ont fini par s’attacher au mégalodon au fil des années."
Pour certaines scènes bien particulières, des modélisations de la tête et de la queue du Mégalodon ont également été réalisées. Cependant, étant donné que les acteurs étaient plus souvent amenés à utiliser leur imagination, la production a eu l’idée de créer une référence visuelle claire, pour leur permettre de visualiser la bête à échelle humaine. Le producteur Lorenzo Di Bonaventura se rappelle : "On a aligné des grues de bateaux entre 20 et 30 mètres de long, et on a dessiné le Még sur le flanc des conteneurs. Quand on voit la taille qu’est censé faire cet animal, on se rend compte que nous ne sommes que de vulgaires sardines en comparaison, et c’est vraiment très impressionnant. Je pense qu’il faudrait qu’il mange un certain nombre d’humains avant d’être rassasié."
Outre le Mégalodon, le département des effets visuels était chargé de créer tout l’univers sous-marin du film, y compris la topologie du fond de l’océan et l’éventail des différentes créatures que l’équipage découvre sous le thermocline. "On est partis d’espèces existantes puis, on s’est permis quelques libertés. Certaines de ces créatures sont des hybrides d’autres espèces que nous avons croisées : l’idée, c’est qu’il y a tout un pan de notre planète que nous ne soupçonnons pas et qui n’avait jamais été exploré jusqu’alors", confie Adrian de Wet.
En eaux troubles a en partie été filmé au large. Autant dire que tourner en plein océan a présenté d'importantes difficultés. Pour contourner ces obstacles, les producteurs ont fait construire deux énormes réservoirs dans les nouveaux Kumeu Film Studios à Auckland, en Nouvelle-Zélande. Ce parti-pris leur a offert une alternative plus sûre et sécurisée pour l'essentiel du tournage. Un énorme réservoir en extérieur, d’une contenance d’environ 2,5 millions de litres, a servi pour les prises en surface. L’autre, prévu pour la plongée, avec un diamètre de 18 mètres et ses 5 mètres de profondeur, contenait environ 1,26 million de litres et était à l’intérieur. Ces deux réservoirs font maintenant partie intégrante de ces fleurons de l’industrie du cinéma néo-zélandais.
Comme la quasi totalité de l’histoire se déroule dans ou sur l’eau, il était nécessaire et vital que tous les acteurs sachent bien nager. Le chef cascadeur Allan Poppleton et son équipe ont ainsi mis sur pied une école de natation pour les comédiens, que ce soient les acteurs principaux, les cascadeurs ou les figurants. Il précise : "On s’est entraînés à la piscine tous les jours pendant quatre semaines et deux fois par semaine on était au bassin de plongée, où l’on s’est initiés à sauter de différentes hauteurs. On les a préparés à toutes les situations qu’ils allaient rencontrer pendant le tournage pour qu’ils se sentent à l’aise dans l’eau."
Ils ont commencé par les rudiments, dont, selon les propres mots du cascadeur Josh Randall, "une technique de la vieille école mise au point par Pierre Gruenberg qui se concentre sur la respiration. Ça ne sert à rien d’apprendre à nager avant d’avoir compris comment respirer. Savoir respirer quand on nage, c’est une aptitude relativement difficile à maîtriser. On a fait beaucoup d’exercices de sur-place et de nage en utilisant d’abord la planche et des palmes, qui servent de stabilisateurs. On a ensuite abandonné les palmes pour faire des longueurs. Notre programme d’entraînement était articulé autour de trois principes fondamentaux : premièrement, on veillait tous les uns sur les autres ; deuxièmement, on devait respecter la mer; et dernièrement il fallait se mettre au travail. Et c’est ce que tout le monde a fait ?"