Le film de gangsta constitue un genre à part entière, genre régi par un ensemble de codes qui sont autant de passages obligés : innocence pervertie, drogue, chaînes en or et violence intestines s’imbriquent dans un tissu complexe que Jim Sheridan a l’audace de transcender pour ne pas livrer la tambouille habituelle mais, au contraire, élever le film au rang de peinture sociale d’un milieu déstructuré, perdu dans un rapport néfaste à autrui qui correspond, en réalité, à une profonde haine de soi. Ce qui impressionne dans Réussir ou mourir, c’est la justesse avec laquelle le cinéaste, sans jamais donner de leçon de morale ou prétendre délivrer un quelconque enseignement, présente la désagrégation de la famille entendue comme ensemble des personnes ayant un lien de parenté soit biologique soit symbolique. On ne distingue plus le géniteur du mentor, le fils de l’élève, tout s’embrouille dans des recompositions hiérarchisées et claniques qui s’érigent en société à l’intérieur de la société. S’il veut réussir, Marcus doit accepter les règles non pas de l’Amérique dans laquelle il vit mais des différentes familles auxquelles il s’agrégera au cours de son existence. Mais ce qu’il apprendra vite, c’est que la substitution ne vaut jamais l’original, et que tous ces clans tumultueux ne valent en rien le foyer qu’il bâtit, pierre après pierre, d’abord par le sang, puis par la musique. Le rap confronte notre héros à ses démons pour mieux les extérioriser et les affronter ; en somme, le film raccorde à merveille le rap à sa source cathartique première : mettre des mots sur ses maux. Récit d’apprentissage où les balles se changent en motifs sonores et les coups en refrains, Réussir ou mourir peint son héros comme un Christ noir en baskets et t-shirt blanc qui tour à tour chute, se blesse, meurt et ressuscite grâce à la musique. Marcus a regardé dans le rétroviseur – cf. ouverture du film – et a vu s’y projeter la médiocrité de sa vie passée. La scène sera sa rédemption.