La réalisatrice Ondi Timoner précise ses intentions : "Dig s'intéresse à ce qui se passe quand l'art et l'industrie se rencontrent, à travers le regard des leaders de deux groupes rock, qui sont les deux meilleurs amis au monde avant de devenir les rivaux les plus hargneux -mais qui restent une référence l'un pour l'autre. Il montre aussi la folie et l'esprit d'autodestruction, les compromis qu'il faut peut-être accepter pour réussir et ce qu'il en coûte de passer outre." A propos des rapports entre Courtney Taylor, le leader des Dandy Warhols (un nom qui fait référence au pape de l'underground Andy Warhol), et Anton Newcombe, celui des Brian Jonestown Massacre (un nom qui évoque le légendaire guitariste des Rolling Stones, Brian Jones, mais aussi le suicide de 900 adeptes d'une secte, survenu en 1978), la cinéaste ajoute : "C'est avec [les Dandy Warhols] qu'Anton voulait mener sa "révolution du monde de la musique" (...) Il y avait cette relation singulière entre eux : Courtney écrit des musiques magnifiques mais a des problèmes avec les paroles, là où Anton n'a aucune peine à les écrire. C'est ce qui rend le personnage de Courtney si sympathique : son humilité."
Le documentaire de Ondi Timoner a remporté le Grand Prix du Documentaire au Festival de Sundance 2004.
La réalisatrice se souvient : "J'ai commencé en rencontrant une dizaine de groupes qui tentaient de signer avec des maisons de disque, pour un projet, The Cut. J'avais l'intention de les suivre pendant plusieurs années pour voir comment les groupes gardent les identités quand ils accèdent à l'industrie et au grand public." Après avoir découvert les Dandy Warhols de Courtney Taylor et The Brian Jonestown Massacre d'Anton Newcombe, elle a modifié son projet : "(...) tout ce que je cherchais en observant dix groupes, je l'obtenais avec ces deux-là. J'ai donc choisi de centrer mon propos sur eux-seuls, sur ces deux personnalités liées entre elles -les amis les plus intimes devenus rivaux."
La cinéaste raconte comment elle a connu les deux groupes dont elle retrace le parcours dans Dig ! : "J'avais entendu parler des Brian Jonestown Massacre mais je croyais à l'origine que c'était un groupe des années 60 à côté duquel j'étais passé. Leur manager, un ami, m'a vivement conseillé d'aller les voir, plusieurs labels s'intéressaient à eux. Quand je les ai rencontrés, ils me sont apparus comme des gens totalement fous et incroyablement charismatiques." A propos des Dandy Warhols, elle explique : "Anton m'a parlé d'eux et m'a envoyée à Portland, où j'ai rencontré Courtney et son groupe (...) ils étaient déjà des rock-stars avant qu'on les considère comme tels. Ils venaient de signer avec Capitol, ils semblaient capables de faire toujours plus, et en avaient le désir."
Fan de musique, la réalisatrice Ondi Timoner a suivi l'évolution des deux groupes sur plus de sept années. Avec son frère David, elle a filmé presque tous les jours à partir de 1995, jusqu'à disposer de 1500 heures de rushes. Les groupes apparaissent dans différentes situations : concerts, côté scène et côté coulisses, vie en tournée, scènes du quotidien. On assiste également au tournage du clip qui fit connaître les Dandy Warhols : Not if you were the last junkie on earth, réalisé par le photographe de renom David LaChapelle. Au bout de trois à quatre ans de tournage, la réalisatrice, tout en continuant à filmer, s'est attelée à l'étape suivante, le montage, dont elle parle aujourd'hui comme de "la partie la plus pénible".
Dipômée de l'Université de Yale, Ondi Timoner a signé plusieurs documentaires, notamment Voices from inside time, sur une prison de femmes dans le Connecticut et The nature of the beast portrait d'une de ces détenues (1994). Auteur d'un court métrage de fiction (Recycle en 2004), cette passionnée de musique a signé de nombreux clips, pour les Dandy Warhols (Boys better) et les Brian Jonestown Massacre (Goin' to hell), mais pas uniquement : on lui doit ainsi les clips de Get free des Vines, Get over it de OK GO ou encore Cigarettes will kill you de Ben Lee. Dig est produit par Interloper, société fondée par la réalisatrice et son frère en 1995.
Originaires de Portland, les Dandy Warhols, emmenés par Courtney Taylor, sortent leur premier album, Dandy's rule OK en 1994, mais c'est avec leur disque suivant The Dandy Warhols come down, en 1997, qu'ils se font connaître, grâce notamment aux singles Not if you were the last junkie on earth et Everyday should be a holiday. Devenu un des groupes de rock indépendant les plus en vue, les psychédéliques Dandy Warhols signent en 2000 un troisième album, 13 tales from urban bohemia qui contient notamment Bohemian like you, titre popularisé en Europe grâce à sa présence dans une publicité. En 2003 paraissait un quatrième LP aux sonorités électro, Welcome to the monkey house. Beaucoup plus chaotique est le parcours des Brian Jonestown Massacre : né à San Francisco au début des années 90, le groupe du charismatique Anton Newcombe publie son premier album Methodrone, en 1995. Une dizaine d'enregistrements se sont succédé au cours des dix années suivantes, mais ce groupe énergique et ambitieux, qui a pâti des incessants changements de personnel (plus de 40 membres différents auraient défilé au fil des ans...), n'a jamais connu le succès, à la différence de leurs frères ennemis de l'Oregon. Signalons que Peter Hayes, ex-guitariste des BJM est l'un des membres fondateurs de Black Rebel Motorcycle Club, groupe noisy qui, après avoir tourné avec entre autres les... Dandy Warhols, sortit en 2001 un premier album qui fit sensation.
Dig fait le portrait de deux individus très différents, Courtney Taylor et Anton Newcombe. La réalisatrice revient sur leurs personnalités : "Courtney aime jouer de la musique, mais il aime le confort. Anton préfère les expériences limites. Il marche à la drogue et à l'alcool -il prend du poids et devient le doux et sympathique voisin qu'on rêve d'avoir, puis maigrit, sort de ses gonds, fait un disque incroyable et s'énerve dans tous les sens. Il sait quand il est plus créatif et travaille sur ses propres limites. Peut-être est-ce la raison pour laquelle il a fait tellement plus de disques que Courtney : il va souvent chercher la douleur nécessaire à sa création."
Ondi Timoner évoque les réactions des deux groupes après la vision du film : " Anton s'est à la fois violemment exprimé contre le film, mais conseille pourtant d'aller le voir sur son site : Connaissant Anton, il a dû être à la fois excité et effrayé. Il a envie d'être reconnu pour ce qu'il a fait, mais n'avait pas de recul sur sa manière de traiter les gens jusqu'à ce qu'il voie le film (...) Joel Gion [qui joue du tambourin] pense que c'est un très bon témoignage sur sa période BJM (...) Dean (Taylor) et Jeff (Davies) adorent le film, les Dandy Warhols aussi." La cinéaste estime par ailleurs que grâce à son film, les relations entre les deux leaders "se sont nettement améliorées".
Les chansons des Dandy Warhols figurent sur de nombreuses bandes originales de films, parmi lesquelles celles de Will hunting et Mary à tout prix, mais on a pu également les entendre dans des séries télévisées branchées comme Six feet under et Queer as folk. Le groupe est un de ceux que vont voir en concert Matt et Lisa, les deux tourtereaux de 9 songs, film de Michael Winterbottom, sorti en mars 2005, et qui mêle sexe & rock'n'roll. Ajoutons qu'on aperçoit Courtney Taylor dans Confessions of a teenage drama queen, comédie avec Lindsay Lohan.
Dans la même semaine, la réalisatrice a achevé son film, marquant ainsi l'aboutissement de sept ans de travail, et donné naissance à son premier enfant Joaquim.
En dehors des membres des Dandy Warhols et des Brian Jonestown Massacre, plusieurs personnalités apparaissent dans Dig : le photographe David LaChapelle, mais aussi Genesis P-Orridge, grande figure du courant electro-indus (au sein de groupes comme Throbbing Gristle ou Psychic TV), ainsi que, furtivement, Kelley Deal, des Breeders et des membres de Weezer et Mercury Rev, filmés dans le cadre du festival anglais de Reading.