Christian Vincent s'est inspiré pour ce film du roman homonyme de Dan Franck, paru en 2002. Ce livre sur les familles recomposées fait écho à un de ses ouvrages les plus célèbres, La Séparation (Prix Renaudot en 1991) le récit d'une rupture amoureuse, qui avait fait l'objet d'une adaptation cinématographique réalisée en 1994 par... Christian Vincent. Le couple était alors interprété par Isabelle Huppert et Daniel Auteuil, qui avaient un enfant de 18 mois, Loulou, interprété par le fils du réalisateur. Si, pour La Séparation, Vincent avait écrit l'adaptation en compagnie de Dan Franck, il a cette fois signé seul le scénario, en raison de divergences avec l'écrivain.
Dans son film, Christian Vincent présente les enfants comme des "empêcheurs de jouir en rond", selon l'expression du réalisateur. Il précise : "Ils veulent bien que leurs parents s'aiment, mais pas trop (...) Le but des enfants, c'est de séparer les adultes, de prendre la place de maman, ou celle de papa. C'est tellement évident ! Il suffit de regarder autour de soi. Dès qu'un couple commence à se prendre dans les bras, c'est fatal, un enfant arrive aussi sec et se colle entre les deux. Pour les séparer, évidemment. Il n'y a rien de plus réactionnaire, plus normatif que les enfants de cet âge-là. Ils font semblant d'être affranchis, multiplient les gros mots, les histoires dégueulasses, les gestes obscènes, mais fondamentalement l'amour les dégoûte."
Christian Vincent explique ce qui l'a intéressé dans l'ouvrage de Dan Franck : "Le livre abordait un phénomène qui, pour les générations qui nous ont précédées, était une exception et qui, aujourd'hui, est devenu une règle : le divorce et les familles recomposées qui en découlent. En l'espace d'une ou deux générations, on a vu la famille évoluer, craquer de toute part. Les couples se défont, se refont, au gré des séparations, au fur et à mesure des naissances. Des pères, des mères vivent à mi-temps avec leurs enfants, vivent avec les enfants des autres, des enfants qu'ils n'ont pas choisis, qu'ils n'aiment pas forcément. Et personne n'est préparé à cela, tout le monde est désarmé. Nos parents vivaient autrement, comme leurs parents, comme leurs grands-parents, leurs arrière-grands-parents, etc. Le livre parlait de ce chaos, de ce bordel."
Les Enfants marque les retrouvailles de Christian Vincent avec Karin Viard : le réalisateur avait fait tourner la comédienne à deux reprises, avant qu'elle ne connaisse la consécration en 1999 grâce à Haut les coeurs ! et La Nouvelle Eve : dans La Séparation (1994), elle joue le rôle d'une amie du couple Huppert-Auteuil. Et dans Je ne vois pas ce qu'on me trouve, elle incarne une jeune femme chargée de l'accueil d'un humoriste (Jackie Berroyer) venu participer à une manifestation culturelle en province : à sa sortie en 1997, ce film aux accents mélancoliques révéla une autre facette de l'actrice, jusqu'alors appréciée pour sa loufoquerie. Ajoutons que Les Enfants est, après La Séparation, le deuxième film de Christian Vincent produit par Claude Berri.
Onze ans avant Les Enfants, Karin Viard jouait le rôle de l'amie de Gérard Lanvin dans Le Fils préféré de Nicole Garcia, film qui avait valu au comédien le César du Meilleur acteur en 1995.
Gérard Lanvin interprète un père un peu dépassé par les événements, tandis que Karin Viard incarne une mère qui a davantage la tête sur les épaules. Christian Vincent confie qu'il s'est amusé à confier aux deux comédiens des rôles dans lesquels on ne les attend pas forcément : "Au cinéma, Gérard trimballe l'image d'un macho viril, alors que c'est un comédien faisant preuve d'une vraie sensibilité. Et c'est ce qui me plaît, chez lui. C'est une certaine fragilité, une certaine féminité, presque, qui me séduit (...) Pour Karin, c'est un peu la même chose. Karin, au cinéma, c'est la bonne copine, la bonne pâte, la fille sympa. Dans Les Enfants, c'est elle qui prend les décisions et qui mène la danse. C'est "Madame porte la culotte". Mais je ne suis pas encore allé assez loin avec elle. Un jour, si dans un film j'ai un rôle d'authentique méchante, c'est à elle que je le proposerai. Elle serait sublime."
Gérard Lanvin revient sur le travail de préparation avant le tournage : "On a fait six lectures de 4 à 5 heures chacune, sans les mômes. Il fallait que Christian, Karin et moi nous calions sur ce qu'on allait faire, et prévoir la part d'improvisation inhérente aux gamins". Sa partenaire ajoute : "On cherchait les points de friction, on discutait du sens des scènes, comment les jouer, de l'intensité de l'histoire. On était tous d'accord qu'il ne s'agissait pas que d'un film sociologique, mais d'une comédie aussi". Concernant le travail avec les enfants, Lanvin précise : "Avec les "miens", je n'avais pas du tout une attitude paternelle. On jouait, on faisait semblant, et ils ne confondaient pas le travail avec le personnel. Le petit de Karin faisait même mine de me détester, me balançant entre les scènes que je ne pourrais pas être son père, etc. En fait, il se motivait à fond pour le rôle. Pour finir, au bout de deux mois, il venait me faire des câlins !"
En dehors de Jeanne et Pierre, les personnages principaux du film sont des enfants. Le cinéaste, qui au casting, n'en a vu que 40 à 50 pour les 5 rôles du film, avait au départ une certaine appréhension à l'idée de diriger de jeunes acteurs : "Les enfants au cinéma, ou bien c'est la grâce absolue (voir les films de Doillon, Pialat ou Truffaut) ou c'est ce qu'on redoute le plus : un texte appris par coeur, mal compris et récité n'importe comment", précise-t-il, en ajoutant que dans son film, les comédiens sont bons "comme tous ceux qui ne se regardent pas jouer. Ce qu'il y a de bien avec les enfants, c'est qu'ils se foutent du film qu'ils sont en train de faire. Ils se foutent du personnage qu'ils sont en train d'incarner, de son parcours, de ce qu'il a dans la tête. Ils sont dans l'instant présent. Ils vous font confiance (...) Avant la prise, ils vous écoutent (...) Moteur ! Ils jouent la scène, souvent mieux qu'on ne l'avait imaginée. Coupez ! C'est fini. Et ils retournent jouer au foot ou à la Game Boy".
La musique des Enfants a été composée par le guitariste Thomas Dutronc, fan de jazz manouche. On entendait déjà le fils de Jacques Dutronc et Françoise Hardy sur les bandes originales des Triplettes de Belleville et de Toutes les filles sont folles. Ajoutons que le musicien s'est également retrouvé devant la caméra : il est apparu en 1999 dans Le Derriere de Valérie Lemercier, et, deux ans plus tard, il jouait le rôle-titre de Confession d'un dragueur.
Malgré son jeune âge, Nicolas Jouxtel, qui joue le rôle de Tom, n'en est pas à sa première expérience au cinéma : en 2004, il était à l'affiche de Podium de Yann Moix, dans lequel il interprétait Sébastien, le fils rêveur de Bernard Frédérique (Benoît Poelvoorde), contraint de donner la réplique à son clo-clone de père sur Le Téléphone pleure.