Encore plus impactant que le premier long-métrage de sa complice de toujours Valérie Donzelli (« La guerre est déclarée »), pour lequel il était coscénariste, ce premier essai de Jérémie Elkaïm est clairement un coup de maître. D’une grande puissance dramatique en plus d’une force de frappe sociale incontestable, « Ils sont vivants » se paye en plus le luxe d’être un film d’amour et de passion comme on n’en avait pas vu depuis longtemps. Tiré d’une histoire vraie comme les encarts de la fin nous l’apprennent, le long-métrage compile donc un fond social fouillé et plus qu’actuel (et pas des moindres puisqu’il s’agit de la jungle de Calais et du sort des migrants) avec une histoire d’amour intense comme on n’en avait pas vu sur grand écran depuis très, très longtemps. Et le jeune cinéaste nous offre sur un plateau la scène d’amour la plus érotique qu’on ait vu dans une œuvre française depuis des lustres (au hasard on se souvient de celle entre Jean Dujardin et Cécile de France dans « Möbius »). Et le pire c’est qu’on suppose qu’elle a été réalisée sans chercher l’épate, naturellement, et c’est ce qui la rend d’autant plus belle.
Maintenant, parlons de Marina Foïs. L’actrice découverte grâce aux sketches des Robin des Bois a su prouver en un peu plus de dix ans qu’elle savait être une actrice de talent. Mieux, une très grande actrice. De « Polisse » à « Irréprochable », elle slalome du drame au thriller en passant par la comédie (les excellents « Papa ou maman » et sa suite), ou des premiers aux seconds rôles avec une facilité et un talent déconcertants. Avec « Ils sont vivants », la comédienne trouve certainement là le rôle de sa vie. Et si elle n’est pas nommée aux Césars 2023, c’est à n’y rien comprendre. Elkaïm la pousse aussi bien dans ce qu’elle sait parfaitement faire, un côté pince-sans-rire et ironique, que dans des retranchements inattendus (le désespoir, l’amour fou ou encore un érotisme sans fard). Et elle brille, elle étincelle, elle émeut... Bref elle nous impressionne et prouve qu’elle est une actrice de la trempe des Isabelle Huppert ou même Catherine Deneuve. Elle porte le film sur ses épaules et « Ils sont vivants » le lui rend bien. Foïs se faufile dans ce rôle comme un poisson dans l’eau et on imagine mal quelqu’un d’autre à sa place. Les autres acteurs, tout aussi bons pourtant, semblent juste lui servir la soupe Même l’incroyable Laetitia Dosch, dans un second rôle qui lui va bien, est écrasé par le poids de la comédienne. Elle parvient même à faire rire par la grâce de quelques répliques bien senties dans un film pourtant immensément dramatique.
Ceci mis de côté, « Ils sont vivants » est une plongée radicale dans les méandres de la pauvreté et les problèmes de la jungle de Calais. Même si ce n’est pas le sujet central du film, Elkaïm parvient à en faire ressentir la détresse et les problèmes. Nuancé dans son propos et rejetant tout manichéisme (on ne diabolise pas les migrants mais on ne les idéalise pas non plus, même si le côté humaniste ressort fortement du long-métrage), son film interpelle. Mieux, il choque parfois. Mais ce sujet très fort n’occulte pas le cœur du film. En l’occurrence cette passion imprévue entre cette quadragénaire veuve et ce jeune migrant. Réaliste, belle et emportée par un souffle tragique et romantique d’une intensité rare, cette idylle nous renverse le cœur. Au-delà des frissons érotiques, elle nous prend aux tripes comme le ferait un suspense insoutenable. Le film parvient même à rendre l’application Google traduction romantique... C’est dire! Un véritable coup de cœur qui nous étreint de la première à la dernière image, entre tension et émotion., pour une œuvre en forme de révélaion.
Plus de critiques sur ma page Facebook Ciné Ma Passion.