Quelle claque !
"Goodbye Dragon Inn" ne m'avait pas donné envie de suivre ce réalisateur, heureusement que je ne savais pas que c'était lui, j'aurais manqué l'un des plus virulent et talentueux pamphlet sur l'homme et son rapport à la pornographie.
Ca commence comme un film d'art et essai lent et lourd, égrené par des situations humoristiques très subtiles, et une photo au dessus de tout reproche. Mais la caméra est plus ludique et vivante que dans son film précédent. Ce n'est plus un photographe mais bien un cinéaste.
Puis, à la première comédie musicale américano sinophile, on pressent un chef d'œuvre en devenir, et on oublie ses préjugés sur l'art contemporain pour savourer toutes les trappes ouvertes du film.
Les scènes de pornographie (toutes simulées, on n'est pas chez cet animal de Vincent Gallo) deviennent très glauques ou carrément drôles, puis le message petit à petit fait corps.
Ne faîtes pas comme cinq spectateurs qui n'ont pas pu supporter les détournements d'attention du réalisateur, restez jusqu'à la fin, les situations et les scènes sont géniales. D'abord parce qu'elles prennent au pied de la lettre les détracteurs du porno tout en restant assez libertaire pour ne pas faire d'amalgame, ensuite parce que le message féministe arrive simplement par touches de plus en plus immondes, jusqu'à l'explosion finale, incroyable de maîtrise de mise en scène.
C'est vraiment un film à message comme on en fait plus, presque de la littérature, qui montre tout sans jamais rien expliquer, sans aucun dialogue, seules les images sont "parlantes" et questionnent le spectateur un peu finaud sur certaines situations. Celles que l'esprit des hommes acceptent ou plébiscitent, sans voir que l'amour est une pépite fragile qui mérite mieux que les à priori ou la facilité dans les rapports aux femmes. Que ces hommes soient ou non machistes.
Un très grand film, inattendu, original sinon jamais vu, un grand moment de cinéma d'auteur contemporain habité par une sacrée grâce. Même si les sujets sont d'un glauque parfois insoutenable.
Par contre, une certaine appréhension me touche, après les fringues, les écrans plat et les ordinateurs, les scooters puis les voitures, le cinéma chinois va t'il bientôt exploser le cinéma français ?
A force d'attaquer où les américains ne savent pas faire, le film d'art et d'essai intello ?
Surtout quand il est réussi, ce qui est devenu rarissime chez nous !
Un film rare, ne vous laissez pas rebuter sur ses longues mises en situation. Au moins pour vous faire une idée de ce qu'un réalisateur persévérant et inspiré voulait vous faire partager.