Au moins, la team Groland s’écarte des visées filmiques de ses ex mentors. On est loin ici des premiers pas, plus ou moins réussis, de la tant vantée bande à Canal, dont seuls quelques maîtres sortiront grandis. Delépine et Kervern, eux, n’ont que faire du très grand public : ils visent à la reconnaissance. Et tant pis s’ils n’ont peut-être pas le niveau requis. Lent, entièrement en noir et blanc, traversé d’images fixes et de silences longs, très longs, Aaltra se réclame d’un certain ciné, obscur à beaucoup, mais propre à séduire l’expert – que je ne pense pas être. Pas assez en tout cas pour extraire les promesses d’un travail si amateur. Car oui, tout ça évoque plutôt des diapos de vacances qu’un Sam Peckinpah. La caméra tremble, la lumière est terne, le road-movie mou. A quoi s’ajoute l’inévitable patte historique de la fine troupe : son hymne affiché à la laideur. L’apologie des campagnes sinistrées d’ici et d’ailleurs. Comme une tribune offerte à la misère, à l’ennui, à la triste médiocrité. Les voisins râleurs, les bistrots sordides, les radio-crochets où un orgue Bontempi rythme un tube massacré par un chanteur navrant, les concerts de punk où une brute aux batteries rythme un hit composé uniquement de hurlements ; et puis bien-sûr les bons, les purs, les modestes généreux qu’on extorque à fond. En somme, c’est l’histoire de deux idiots antipathiques, lancés dans une quête imbécile, entourés d’un échantillon du plus hideux sur Terre, raconté dans un sens certain de la maladresse et du mauvais goût. Mais puisque on nous dit que c’est voulu.