En 2004, Cinéastes à tout prix a été présenté en Sélection Officielle au Festival de Cannes... à ne pas confondre avec le Festival de Canne, manifestation qui se tient dans une petite ville de Belgique, et où sont régulièrement projetés les films de doux-dingues tels que Jean-Jacques Rousseau et Max Naveaux. Lors de la montée des marches de l'équipe du film, l'entarteur Noel Godin s'est fait remarquer en baissant son pantalon : il a été rapidement évacué par le service d'ordre... Dans la salle, on notait ensuite la présence de Benoît Poelvoorde, qui témoigne dans le film de son admiration pour ces cinéastes peu communs. Il était accompagné du hong-kongais Tsui Hark, qui était comme lui membre du jury du festival cette année-là.
"Je suis fasciné par la ténacité des cinéastes, qui pendant des dizaines d'années ont consacré tout leur temps libre, toute leur énergie, toutes leurs économies à leurs films. Mon documentaire veut approcher cette fièvre du cinéma. Quoi de plus universel que la passion ? Pas besoin d'être cinéphile pour être touché par l'exaltation, la persévérance obsessionnelle et la profonde humanité de ces Cinéastes à tout prix (...) J'ai choisi trois cinéastes, alors qu'il y en a sans doute d'autres qui auraient pu faire partie du documentaire. Je n'ai aucune ambition encyclopédique. Je ne filme que des cinéastes qui m'ont touché, en tant que personnes. Je souhaite communiquer le plaisir que j'ai eu à les rencontrer, l'intérêt pour un cinéma insolite qu'il m'a fait partager."
Cinéastes à tout prix est le premier documentaire de Frédéric Sojcher, auteur d'une dizaine de courts métrages, dont Fumeurs de charme avec Serge Gainsbourg et Bernard Lavilliers, et d'un long métrage de fiction, Regarde-moi (2000). Maître de conférence en pratique du cinéma à la Sorbonne, il est l'auteur de plusieurs livres sur le 7e art. C'est d'ailleurs en écrivant un ouvrage sur le cinéma belge qu'il a découvert un pan entier du patrimoine, fait par des passionnés, et totalement ignoré des cinéphiles.
Frédéric Sojcher porte un regard tendre sur ces réalisateurs, sans porter de jugement sur la qualité de leurs films. "Ils ont sans doute une sorte de délire, mais un délire suffisamment structuré pour pouvoir s'exprimer dans leurs films", note-t-il. "Au-delà du cinéma se pose la question d'une "culture officielle" et de la place laissée à tout ce qui est "hors norme", atypique. Comme le dit Benoît Poelvoorde dans le documentaire, il ne sert à rien de vouloir juger artistiquement ces cinéastes, car leur démarché est aussi importante que leurs films."
Frédéric Sojcher s'explique sur sa démarche : "Tout d'abord, je voulais portraiturer les cinéastes. Comment parlent-ils de leurs expériences ? Comment, par exemple, Max Naveaux trouve-t-il tout à fait normal d'avoir tourné à balles réelles, en engageant un tireur d'élite pour éviter de blesser les acteurs amateurs de son film ? Ensuite, je souhaitais filmer leur entourage et me demander comment ils ont pu constituer une équipe qui les suit, de film en film (...) Enfin, je désirais montrer des extraits des films des cinéastes. Ces extraits relèvent une approche cinématographique totalement déjantée. La démence s'affirme à travers le jeu des acteurs, le choix des raccords, le traitement de la musique et de la bande sonore."
Plusieurs personnalités-cultes venues de Belgique apparaissent dans Cinéastes à tout prix : la star Benoît Poelvoorde, fan de Jean-Jacques Rousseau, mais aussi Noel Godin, entarteur et critique de cinéma, qui qualifie le cinéma de Rousseau d'"art brut", ou encore le comédien et réalisateur Bouli Lanners, vu notamment dans Les Convoyeurs attendent et Aaltra.
Dans Cinéastes à tout prix, Jean-Jacques Rousseau déclare : "Si j'avais eu les moyens de Spielberg, j'aurais fait mieux. S'il avait eu mes moyens, jamais il n'aurait fait du cinéma."