Travaux a été présenté en 2005 au Festival de Cannes, dans le cadre de la Quinzaine des Réalisateurs.
Loin de son image de star de papier glacé, Carole Bouquet interprète dans Travaux une avocate excentrique, un rôle qui ne fut pas de tout repos, comme l'explique aujourd'hui la cinéaste : "Carole Bouquet a fait montre d'un courage physique et mental dont je lui sais gré. Elle s'est adaptée à toutes les situations de jeu : des ouvriers étranegrs qui n'avaient jamais joué, des enfants, des acteurs confirmés. Elle a tenu sur toute la longueur avec une constance rare, distillant l'énergie avec intelligence sur les huit semaines et quatre jours de tournage qui nous étaient impartis, ce qui était juste. Elle a appris à danser, et m'a fait cadeau d'une cascade. Elle s'est laissée tomber en arrière de cinq mètres de haut et s'est encastrée dans les cartons de sécurité. Je lui baise les pieds qu'elle a fort jolis."
La réalisatrice se souvient : "J'avais envie de faire une comédie. Ca peut paraître étonnant, mais j'ai été à bonne école : j'ai débuté avec Coluche dans Thérèse est triste [au théâtre] (...) Evidemment, j'ai fait des travaux. J'habite à la même adresse depuis plus de vingt ans, j'a commencé dans une chambre de bonne puis, peu à peu, j'ai racheté les chambres voisines pour former un appartement. J'ai changé cinq fois d'entrée depuis que j'y habite ! (...) Je suis allée travailler plusieurs fois en Colombie, j'y ai rencontré un jeune architecte qui devait venir s'installer en France. Je lui ai confié son premier chantier en Europe. Tous ceux qui ont touché de près ou de loin aux travaux ont des anecdotes plein les poches. On en rit quelques années plus tard ou en peut en faire un film."
Actrice et réalisatrice, Brigitte Roüan interprétait l'une des trois héroïnes de son premier long métrage, Outremer, et tenait le rôle principal de son film suivant, Post coitum, animal triste (ainsi que du téléfilm Sa mère, la pute). Travaux est le premier long métrage dans lequel elle n'apparaisse pas, Chantal étant incarnée par Carole Bouquet.
Travaux marque le grand retour, dans le rôle d'un des ouvriers, d' Aldo Maccione, alias "Aldo la classe". Révélé en France par Claude Lelouch (Le Voyou, L'Aventure c'est l'aventure) il est devenu par la suite une vedette grâce à ses rôles de latin lover un rien ridicule dans des comédies de plus (Je suis timide, mais je me soigne) ou moins (Tais-toi quand tu parles !) bon goût. S'il a fait quelques apparitions au cinéma dans les années 90 (La Femme de chambre du Titanic), cet acteur-culte n'avait pas tourné dans l'hexagone depuis 1989 et L'Aventure extraordinaire d'un papa peu ordinaire de son vieux complice Philippe Clair. Signalons qu'une autre grande figure de la comédie des années 70 est au générique de Travaux : Bernard Ménez, qui incarne un commissaire.
Les ouvriers du film sont interprétés par des comédiens non-professionnels. Brigitte Roüan revient sur ce choix : "C'est vrai qu'aujourd'hui, l'immigration est en majorité africaine et nord-africaine, mais pour mon film, j'ai eu envie de parler de l'Amérique latine (...) Je me suis fait aider par un Franco-Colombien qui m'a introduite dans la communauté colombienne de Paris. Humbert Balsan, qui est un producteur baroque, avait accepté que je caste quelqu'un qui n'avait pas de papiers. La réalité rejoint la fiction, cette personne est aujourd'hui régularisée (...) Il y a bien quelques acteurs colombiens à Paris, mais ils n'avaient ni la corpulence ni le savoir-faire de vrais ouvriers. J'aime bien mélanger les acteurs et les non-pros (...) Leur apport au film est essentiel. Aucun acteur n'aurait pu rendre cette authenticité."
Brigitte Roüan parle du choix des décors, une étape déterminante pour un film dont l'action se situe presque intégralement dans un appartement : "Grâce à une assistante, j'ai découvert une frîche industrielle appartenant au Grand Rex et située derrière eux en plein Paris. Nous y sommes restés huit mois. (...) Nous y avons tourné ou contruit tous les décors, y compris le tribunal, le commissariat, le squat, la cave, le cabinet d'avocat et même les toits de Paris (...) En ce qui concerne le décor principal, l'appartement de Chantal, la donne était : elle habite classique au début, mélange d'Haussmann et de XVIIIe siècle et se retrouve à la fin en Amérique latine. Cette transformation marquait l'interprénétration des cultures." La cinéaste précie que le décorateur s'est inspiré de Barragan, un architecte mexicain "dont le principe de création est que toutes les lignes sont obliques par rapport à la lumière. Il utilise aussi des couleurs très vives pour capter la lumière parisienne ! Pas très français tout ça !"
Brigitte Roüan évoque les difficultés posées par les décors : "Sur le terrain, c'était complexe. Je suis arrivée dans un volume immense et vide de 5000 mètres carrés où j'ai vu naître un appartement. C'était très émouvant. Je n'avais qu'une prise pour le plafond qui s'effondre, quel événement ! Pour les murs qu'on abat, j'avais trois prises, on remplaçait le mur et hop ! Des murs à roulettes. Tout était minutieusement préparé, nous étiens parfaitement en phase pour la chronologie des travaux avec l'équipe déco qui travaillait souvent la nuit pour construire l'étape d'après (...) Et puis, la mezzanine, quelle histoire. Je désirais une passerelle de commandant, c'est devenu la proue d'un bateau, une avancée dans la grande pièce avec un escalier incorporé qui lorsqu'elle s'effondre ressemble à la cheminée d'un paquebot. L'eau jaillit, du coup j'ai mixé des vagues... Le Titanic. En fait, mon père est marin. Voilà comment les choses vous viennent."
Les plaidoieries de Chantal sont très personnelles, l'avocate n'hésitant pas à faire quelques pas de danse, du tango au hip-hop, pour séduire les juges. "Les scènes de tribunal et de commisariat m'ennuient", avoue Brigitte Roüan, qui ajoute : "Pourtant, le film en avait beasoin. Je ne sais plus si j'ai lu ou entendu Badinter dire "Quand je plaide, j'entre en transe." C'est comme ça que j'ai eu l'idée des danses." Pour ces scènes, la réalisatrice a travaillé entre autres avec la grande chorégraphe Karine Saporta.
Travaux est l'un des tout derniers films produits par Humbert Balsan, figure marquante du cinéma d'auteur français, qui s'est donné la mort le 10 février 2005. Balsan, qui avait déjà financé le précédent film de la réalisatrice, Post coitum, animal triste, avait débuté comme comédien chez Bresson (Lancelot du Lac) avant de devenir, notamment via sa société Ognon Pictures, l'un des producteurs français les plus audacieux. "Sa mort est une éclipse de soleil" dit Brigitte Roüan à propos de celui à qui on doit entre autres Y aura-t-il de la neige à Noël ?, Quand la mer monte ainsi que les films de Youssef Chahine. Dans Travaux, il fait une apparition en... banquier.
A la fin de Travaux, un comédien anglo-saxon, star des comédies romantiques, fait une apparition inattendue, dans le rôle du nouveau voisin.
La fille de Chantal, Pulchérie, est interprétée par Giulia Dussollier, dont le père n'est autre qu'André Dussollier, et qui fait ses premiers pas à l'écran. Quant à Martin, le fils adolescent de l'avocate, il a les traits de Ferdinand Chesnais. Rejeton du comédien Patrick Chesnais (qui fut notamment l'époux bougon de... Brigitte Roüan dans Post coitum, animal triste), le jeune acteur avait déjà joué dans le film réalisé par son père en 2001, Charmant Garçon.