A tout de suite a été présenté en Sélection officielle au Festival de Cannes en 2004, dans le cadre de la section Un Certain Regard.
Après avoir tourné des films à gros budget avec de grandes vedettes (Sade avec Daniel Auteuil, Adolphe avec Isabelle Adjani), Benoît Jacquot change d'économie avec A tout de suite, tourné en DV, en noir et blanc. Il s'en explique : "Ce n'est pas tant un sujet qui m'entraîne, mais le fait d'organiser, de concevoir un film autour d'un seul personnage qui sera le noyau du film. Cela induit une forme particulière (...) j'éprouve régulièrement une sorte de nécessité vitale à réaliser mes propres films. Des films atypiques, différents qui n'obéissent pas aux lois du marché et aux règles en vigueur (...) Dans A tout de suite, j'ai fait exactement ce que je voulais faire, image par image, 24e de seconde par 24e, dans une sorte de liberté artistique plus difficile à trouver autrement."
Héroïne d'A tout de suite, Isild Le Besco était à l'affiche des deux précédents films de Benoît Jacquot : Sade et Adolphe. Le cinéaste l'a également fait tourner en 2002 dans son téléfilm Princesse Marie, avec Catherine Deneuve. Il parle de sa nouvelle muse: "Isild a un côté risque-tout qui m'hallucine. Pour elle, c'est parfaitement naturel ! Elle a profité récemment d'un Festival en Chine pour prolonger son séjour sur les routes pendant une quinzaine de jours, sans que personne ne puisse la joindre et sans donner de nouvelles. Isild considère qu'elle ne doit de compte qu'à elle-même, et encore... A partir de là, elle fait ce qu'elle veut, quand elle veut. Donc, elle est invulnérable. Et libre, comme le personnage du film."
Benoît Jacquot explique comment il a eu l'idée de réaliser un film autour de la cavale d'un couple de jeunes gens : "Je me trouvais en Amérique du Nord pour présenter un film, quand un soir dans ma chambre d'hôtel, je suis tombé sur une sur une émission télévisée, diffusée par TV5, dans laquelle des gens racontaient une expérience qui avait entièrement bouleversé leur existence. J'ai été attiré par le témoignage d'une femme d'une quarantaine d'années (...) Cette femme m'a frappé par son extrême dignité, une sorte de beauté avec quelque chose d'assez secret, et par le ton de sa voix à la fois très doux et très blanc (...) Elle a raconté son histoire, finalement devenue l'argument du film, de façon succince, lapidaire, sans aucune volonté d'esbroufe. Captivé par son aventure, j'en ai parlé aussitôt à Isild Le Besco, comme un voeu et une promesse d'en faire un film." Après l'écriture du scénario, le réalisateur a rencontré cette femme, Elisabeth Fanger, qui lui a raconté son histoire en détails.
Avec A tout de suite, Benoît Jacquot entend se démarquer des grands classiques du "film de cavale". Il précise ses intentions : "Bien entendu, des réminiscences cinématographiques ont rappliqué à toute blinde : "Bonnie and Clyde de Arthur Penn, Le Démon des armes, Les Amants de la nuit de Nicholas Ray, Badlands de Terrence Malick,J'ai le droit de vivre de Fritz Lang, Pierrot le Fou de Jean-Luc Godard... Mais ce n'était pas cela qui m'attirait, ces images anciennes étaient là, elles me frôlaient sans me toucher vraiment (...) Ce qui m'intéressait, c'était d'arriver, sans procédé, à représenter le paysage mental de cette fille. En écoutant ce témoignage, j'avais davantage été saisi par le ton de la voix de cette jeune femme que par les faits. Elle se livrait comme on raconte son destin, et non pas une série d'anecdotes."
Nicolas Duvauchelle, qu'on avait découvert en 1998 en Petit Voleur dans le film de Zonca, interprète de nouveau un voyou dans A tout de suite. Quant à Isild Le Besco, elle était la petite amie de Roberto Succo (qu'incarnait Stefano Cassetti) dans le film de Cédric Kahn qui, en 2001, relatait la cavale du tueur en série.
Benoît Jacquot revient sur la dimension "historique" de son film, dont l'action se situe autour de 1975 : "Les années qui ont suivi 68 sont des années où les mondes mentaux se sont fissurés. Je ne sais pas s'il existe encore des filles de 20 ans issues d'un protocole de vie aussi réglé, aussi contraint, capables de se jeter d'un coup dans une histoire pareille (...) Si l'on rate cette première phrase en off de l'héroïne, "c'était en 1975, j'avais 19 ans", on peut aussi penser que le film se situe de nos jours. Le comportement de cette fille n'est pas uniquement lié aux années 70. Je suis toujours attaché à montrer des personnages féminins qui sont moteurs et décident, même sans le savoir ou même sans le vouloir. Des femmes qui vont loin, qui, la plupart du temps, laissent d'ailleurs les hommes essouflés en chemin... elles mènent la danse." Parmi les précédents portraits de jeunes filles signés par le cinéaste, citons La Désenchantée avec Judith Godrèche en 1990 et La Fille seule avec Virginie Ledoyen en 1995.
Si A tout de suite offre à Ouassini Embarek un de ses premiers grands rôles (il était déjà l'acteur principal de Café de la plage en 2000), ce jeune comédien tourne en fait depuis dix ans : il était le jeune frère de Sami Bouajila dans Bye-bye de Karim Dridi en 1995. On l'a aperçu depuis, entre autres, dans Je suis ne d'une cigogne et 3 zéros.
C'est à Caroline Champetier, l'une des chefs-opératrices les plus réputées du cinéma français, qu'on doit la photo en noir et blanc d'A tout de suite. C'est sa cinquième collaboration avec Jacquot, depuis La Désenchantée en 1990 - et il faut y ajouter à ces longs-métrages le téléfilm Marie Bonaparte, diffusé en 2004. Pour l'utilisation de la DV, le cinéaste a par ailleurs demandé conseil à Xavier Giannoli, qui avait tourné en numérique Les Corps impatients avec... Nicolas Duvauchelle.
Dans un rôle secondaire, on retrouve Emmanuelle Bercot, actrice mais également réalisatrice : c'est elle qui avait révélé Isild Le Besco dans ses courts-métrages La Puce et Les Vacances.