Bong Joon-Ho est un grand cinéaste populaire. Il n'est pas du tout sûr que si il avait été Français ou Américain, les critiques lui auraient été si favorables. Avec Memories of Murder on retrouve les thèmes chers à Bong Joon-Ho : la violence sur toutes ses formes, la comédie (il y a toujours une grande part de dérision et de satire sociale dans ses films, qui vont jusqu'à la farce), et une référence décomplexée à un cinéma qui vise le grand public. Je suis toujours persuadé qu'à travers la violence sociale très présente dans ses films, la première source d'inspiration de Bong Joon-Ho est Charlie Chaplin, car c'est l'autre immense cinéaste qui filmait la misère sociale avec humour pour que son message soit compris par le plus grand nombre. Les personnages des films de Bong Joon-Ho sont souvent désespérés, et évoluent dans une société très dure et fermée, sans véritable espoir de s'en sortir. Bong Joon-Ho rejoint Charlie Chaplin. D'ailleurs les scènes d'interrogatoires odieuses et inadmissibles sont traitées avec dérision. On est dans la farce, le burlesque. Il y a aussi une certaine théâtralité dans le jeu des acteurs dans ces scènes. Uniquement dans ces scènes, car Bong Joon-Ho retrouve les codes du thriller dans les autres scènes du film avec les comédiens les armes à la main, les scènes de poursuites et de bagarres. Et Bong Joon-Ho fait appel à un acteur, grand, athlétique avec une belle gueule, pour ce genre de séquences. Kim Sang-kyeong est l'acteur idéal pour ces scènes. Il est dans le registre des rôles d'Alain Delon ou de Steve Mc Queen dans les films policiers classiques. Bong Joon-Ho assume complètement cette référence aux films policiers commerciaux. L'autre thème d'une importance capitale, est la place des médias et de l'image dans les films de Bong Joon-Ho. Dans Memories of Murder les policiers parlent souvent du rôle des journalistes. Une grande scène du film (sur le mode de la dérision et de l'humour) est cette incroyable reconstitution d'un crime avec ces dizaines de journalistes présents en arrière plan. Rien ne leur échappe visuellement. Et on se demande s'ils comprennent quelque chose à ce qu'il se passe ? Qu'est-ce qu'ils filment ? Il faut souligner aussi que les policiers redoutent plus les journalistes que la justice. Bong Joon-Ho est un cinéaste de la condition humaine.