Le synopsis de « Clean » faisait craindre le pire : la rédemption nécessaire d’une Junkie pour une hypothétique récupération de son fils. Bref une fois de plus un pathos larmoyant à l’issue tragique, bruité et perdu dans le délire visuel et sonore de la rock musique. Donc raté, connaissant le côté cérébral et souvent glacial d’Assayas. En fait, il n’en est rien, script et réalisation vont éviter tous les écueils. Maggie Cheung, ancienne épouse du réalisateur, (ils ont divorcés en 2001) incarne avec conviction Emily, chanteuse de rock déchue et ancienne animatrice à succès d’une émission musicale sur le câble français, qui sort de prison pour détention de stupéfiant, paumée à la suite de la mort de son compagnon et père de son fils. Cette descente aux enfers et l’âpre et lente bataille de la remontée sont filmés avec retenue, tout en retranscrivant tous les états d’âmes avec une justesse qui forcément parle au cœur du spectateur. Emotionnellement très fort, sans jamais donner dans le larmoyant (la boite de Kleenex peut rester dans la salle de bain), Ayassas réussit enfin à nous embarquer dans une histoire, et de rendre crédible un happy end qui, en y réfléchissant, est au delà de l’improbable. Un miracle ne venant jamais seul, l’abandon des gros plans récurrents et des séquences raccourcies, offrent au film une lisibilité inhabituelle chez le cinéaste. Par conséquence, l’élégance de la mise en scène et la lumière bleutée accordent forme et fond. Avec des plans et des scènes d’une simplicité évidente, l’humanité des situations en sort renforcée, sans délire visuel inapproprié venant les parasiter. Maggie Cheung est habitée par le rôle (son meilleur à mon sens), délaissant son côté belle et distante pour nous faire partager toutes les facettes de ce personnage sombre et complexe, transcendé par les morceaux qu’elle interprète elle même, fragile et pleine de grâce. Nick Nolte lui donne la réplique, dans un rôle à contre emploi, triste et tragique, riche en nuances et tout en douceur. Enfin, du reste du casting, dirigé de main de maître par le cinéaste, Béatrice Dalle émerge par sa présence, évidente dès le premier plan. Bouleversant « Clean » est un grand film qui confirme enfin qu’Assayas a dépassé le stade du laborantin attardé pour devenir un cinéaste à part entière.