Après, un voyage dans le Rwanda : les secrets du tournage

Dix ans après le génocide, Denis Gheerbrant, réalisateur de La Vie est immense et pleine de dangers et de Grands comme le monde, est parti seul avec sa caméra au Rwanda, pour "comprendre ce que c'est que de revenir à la vie". "Il y avait aussi dans le désir de ce film celui de comprendre quelque chose de ce qui est toujours l'autre côté de notre monde, le Tiers-monde... le comprendre et le vivre. (...) Le projet d'aller dans le Tiers-monde s'est imposé à moi à la suite du 11 septembre, comme si le Tiers-monde s'était invité dans notre monde". Il s'était au préalable documenté, lisant entre autres le livre de Jean Hatzfeld, Dans le nu de la vie, et avait rencontré des Rwandais venus vivre en France.

Denis Gheerbrant est tout d'abord passé par les réseaux de soutien aux rescapés, "les seuls à pouvoir tenir une parole sur ce qui est advenu. La parole de celui qui a tué n'est même pas énonçable".

C'est grâce à l'aide financière du producteur Richard Copans que Denis Gheerbrant a pu entamer son voyage au Rwanda. " Le tournage s'est fait rapidement, trois semaines pour le premier voyage et quatre pour le second, avec trois francs six sous, c'est-à-dire l'argent de la préparation, sans aucun financement préalable. Le montage a été une autre histoire ! Un an de travail financé par les Assedics, seul mais dans l'échange et sous le regard de Richard. Cette présence, à distance, est pour moi indispensable. Sinon je tournerais à vide, je ferais le film pour moi. Ensuite, nous avons eu 'l'Avance après réalisation', ce qui nous a sauvés et pourtant laisse un trou dans la caisse".

Le réalisateur est parti du principe qu'il n'utiliserait aucun sous-titre. Il s'agissait de ne traduire que ce qu'il comprenait en situation. "Sous-titrer aurait supposé une vérité, une instance de savoir supérieure à ce qui se passe entre celui que je filme et moi. Or je filme en fonction de ce qui m'a été traduit avec plus ou moins de précision et je pose mes questions en fonction de ces impasses. (...) Ce choix est parfois ressenti violemment comme si le cinéaste cachait quelque chose, mais pour moi cela relève d'une cohérence d'attitude : je n'ai pas accès à la vérité mais à ce qu'on veut bien m'en livrer. Voyager au Rwanda, c'était perpétuellement faire l'expérience de voir sans comprendre (...)".