De plus en plus intéressé par ce cinéma russe brut et d'une grande profondeur de champ, j'ai bien fait de me lancer dans la filmographie d'Andrei Zviaguintsev avant d'aller voir Leviathan en salles. Cela m'aura permis, dès le premier essai, d'apprécier le talent du bonhomme et de renforcer mon intérêt pour son cinéma. Annoncé comme un possible héritier de Tarkovski, Zviaguintsev ne peut en effet échapper à la comparaison (peut-être recherchée), de par sa poésie des éléments (quand même ici bien plus vaine que chez l'auteur du Sacrifice et sa symbolique ultra-riche), sa recherche métaphysique et l'exigence de son cinéma, qui ne ménage pas le spectateur et gagne ainsi beaucoup en fermeté. Doté d'une dimension mythologique aux implications marquantes, Le Retour réduit son récit au plus simple appareil pour mieux mettre en lumière la force de ses relations, dans un drame œdipien d'une rare âpreté. La mise en scène, remarquablement étudiée, peut parfois agacer par sa contemplation un peu vaine, mais celle-ci parait malgré tout servir à poser le récit et le laisser respirer. Comme le ressac des vagues, comme l'histoire racontée, celle d'un retour sur un passé sibyllin, le film est fait d'un incessant mouvement de va-et-vient qui charrie une puissance incoercible, écrasante. Certains plans sourds sont d'ailleurs assez étourdissants. Voilà qui accable les personnages sous un poids, sans pour autant oublier qu'ils sont la clé de voûte qui fait tenir l'ensemble. Un maillon essentiel et très solide, grâce au talent du casting, surtout celui des deux gamins, réellement étonnants. Savoir qu'un an plus tard l'un d'entre eux est mort noyé près des lieux du tournage a d'ailleurs quelque chose d'encore plus bouleversant. Bref, si Zviaguintsev s'est par la suite débarrassé de son amour un peu encombrant du beau décoratif, il y a tout à parier que Le Bannissement, Elena et Leviathan seront de bonnes grosses claques. Le Retour, quant à lui, est déjà aussi marquant que redoutable.