The Weather Man est la version désenchantée de ce qu’était The Family Man (Brett Ratner, 2000), sorti cinq ans plus tôt avec, en vedette, le même Nicolas Cage. Soit la peinture désabusée d’une existence atrophiée par un univers urbain deshumanisant, une incapacité à communiquer avec autrui – en particulier avec sa famille – et un ancrage médiatique propice au harcèlement et aux méfaits de toutes sortes. Le présentateur météo a pour mission de lire un prompteur et de s’agiter devant un écran vert ; il ne réfléchit pas, n’interprète pas, n’a pas d’effort de transmission à faire ; comme il le reconnaît lui-même, il « gagne énormément en échange d’un effort et d’une contribution quasi nulles », lucide sur les inégalités sociales à l’œuvre dans la société américaine, notamment celles générées par la télévision. Ce qu’il fait ne sert à rien, son activité n’est gratifiante pour personne, elle occupe les téléspectateurs à l’instar des publicités pour fast food et sodas. Gore Verbinski compose une comédie cynique et grinçante dans laquelle personne n’est épargnée, ni la fille obèse dont les pantalons moulent le sexe ni le père sur lequel on jette de la malbouffe en permanence. La forme qu’il donne à son film est à la fois nerveuse et molle, répétitive, en constant mouvement et immobile. L’image est aussi froide que la saison hivernale. Nous comprenons d’abord mal le lien entre la projection de nourriture industrielle, le cancer du père, le tir à l’arc ainsi que les autres rituels qui scandent le quotidien de David ; il faut attendre la clausule pour que s’assemblent les pièces d’un vaste puzzle, miroir dans lequel se reflète une société de consommation qui broie les individus en les enfermant dans des cases, en les étiquetant et en leur interdisant tout changement. S’il a changé son nom de famille par souci de convenance, David s’avère incapable de renaître à lui-même ; sa promotion professionnelle lui donne l’illusion d’un nouveau départ, alors qu’il ne s’agit que du même déplacé d’une ville à l’autre. Verbinski brosse un portrait au vitriol de l’Amérique capitaliste, corps désincarné qui occupe l’audimat par des bulletins météo erronés afin de prouver que le hasard n’existe pas, que l’État gouverne même le ciel comme autrefois les augures antiques. Le présentateur devient aussitôt le bouc émissaire d’un système qui l’utilise à la manière d’un tampon, un fantoche que l’on place sur un char le temps d’une parade. Le tir à l’arc s’oppose alors à la météo en ce que l’apprentissage puis la maîtrise de sa technique conduit le tireur à atteindre sa cible, sans trucage ni mensonge. Un plan magnifique montre la pointe de la flèche briser la couche de glace qui recouvrait le bois de la cible, traduction à l’écran du raccord à soi que rend possible la pratique de ce sport, un raccord qui ne conduit pourtant pas notre antihéros à la révolte mais à la résignation, à l’acception de sa condition, le sourire aux lèvres, défilant entre le Père Noël et Bob l’Éponge.