Au départ, le film devait s'intituler "Les naufragés de la rue de la Providence". Le titre définitif a été suggéré à Luis Buñuel par Jose Bergamin, un de ses amis dramaturge qui l'envisageait pour une pièce de théâtre: "Si je vois ça sur une affiche, j'entre immédiatement dans la salle", lui avait alors confié le cinéaste. Référence à l'Apocalypse mais aussi nom que se donnaient les membres d'une association espagnole (les apostoliques de 1828), l'expression était libre de droit. Bergamin n'écrivant pas sa pièce, il a encouragé Buñuel à se l'approprier.
Luis Buñuel avoue avoir regretté son choix du Mexique pour le tournage de L'Ange Exterminateur. Ayant à l'origine préféré des acteurs européens pour interpréter ses personnages et espérant par la suite davantage de luxe dans les vêtements et accessoires, le metteur en scène avoue avoir souffert de la pauvreté du pays: "L'idéal, évidemment, aurait été de la réaliser en Angleterre, dans un lieu où existe véritablement un style "haute société", a t-il confié. Ainsi, à chaque acteur de premier plan, il dut par exemple prêter la serviette à dentelle de sa maquilleuse, afin de donner l'impression que tous les convives en possédaient une.
"Je me suis toujours senti attiré, dans la vie comme dans mes films, par les choses qui se répètent. Je ne sais pas pourquoi, je ne cherche pas à l'expliquer", confiait Buñuel. Ainsi, on ne compte pas moins de dix répétitions dans L'ange Exterminateur, notamment autour de deux hommes, qui se rencontrent et se présentent l'un à l'autre deux fois, avant de se saluer chaleureusement la troisième. Le metteur en scène raconte que son chef opérateur, Gabriel Figueroa est venu le voir après le montage du film, en lui faisant remarquer affolé que la scène où les invités pénètrent dans le hall se répétait: "Comment a-t-il pu penser une seconde, lui qui avait filmé les deux plans, qu'une erreur aussi énorme pouvait échapper au monteur et à moi-même?", s'était-il demandé à l'époque.
Luis Buñuel évoque ses nombreux films qui mettent en scène l'impossibilité inexplicable de satisfaire un désir simple. Si ici, les invités ne peuvent quitter une pièce, dans L'Âge d'or, un couple tente de s'unir, en vain. Dans Cet obscur objet du désir, un homme vieillissant ne parvient pas à satisfaire le sien et Archibald de la Cruz essaye de se tuer sans succès. Enfin les personnages du Charme discret de la bourgeoisie veulent dîner ensemble sans y parvenir.
Le motif de l'enfermement et du cercle était déjà présent dans d'autres films bunueliens: la pièce angoissante d'Un Chien andalou, le salon asphyxiant de L'Âge d'or, le salon dans la jungle de La Mort en ce jardin ou encore le circuit nocturne de On a volé un tram conduisent à un emprisonnement des personnages inexplicable. En ce qui concerne l'île des Aventures de Robinson Crusoe, Luis Buñuel rappelle que l'impossibilité de sortir est davantage dûe à des conditions objectives. Sans s'inspirer directement du Huis Clos de Jean-Paul Sartre, le cinéaste avoue néanmoins avoir très souvent eu à l'esprit les propositions du philosophe.
Gustavo Alatriste n'a censuré aucun moment de L'Ange Exterminateur, laissant à Luis Buñuel une liberté totale. Ce dernier avoue d'ailleurs s'être autocensuré à l'époque, n'ayant par exemple pas osé enfermer ses personnages pendant un mois, jusqu'à ce qu'ils en viennent au cannibalisme ou à la lutte à mort, ce afin de montrer le caractère inné de l'agressivité. Plus que séduit à l'issue de la projection de L'Ange Exterminateur, Alatriste aurait confié en sortant: "Don Luis, esto es un canon. Je n'ai rien compris". Un canon signifie "une chose très forte, un choc, un grand succès", a commenté le cinéaste amusé.
La fondatrice du Musée d'Art Moderne de New York avait à l'époque raconté à Luis Buñuel que lors d'un repas de la haute aristocratie new-yorkaise, un serveur avait trébuché en apportant un cygne sculpté dans la glace, rempli de trois kilos de caviar et décoré de foie gras. Les convives s'étaient montrés ravis de l'incident. Le réalisateur s'est servi de cette anecdote pour son film.
On a souvent prêté à Luis Buñuel un symbolisme provocant, que le cinéaste n'a pourtant pas cherché. Ainsi dans la scène du poignard et du mouton aux yeux bandés, on l'a accusé de représenter la religion et de la blasphémer avec l'arme. Or, le cinéaste voulait en réalité provoquer une sorte d'inquiétude et avait eu soudain l'idée de ce dispositif. De même à l'époque, un critique de Mexico avait assimilé la présence de l'ours dans l'escalier à la menace soviétique symbolisée. S'il s'en est parfois amusé, Luis Buñuel a régulièrement dû se défendre face à ces surinterprétations.
La grande armoire à trois portes qui sert de WC et d'où une femme sort en disant qu'elle y a vu un paysage, un abîme et un faucon forment en réalité un collage non visuel, que Luis Buñuel a pris de ses souvenirs d'enfance. "A Molinos et à Cuenca, il y a des précipices qui atteignent parfois cent mètres de profondeur. Il y en a un où, en haut, se trouve un WC en bois dont le trou donne sur l'abîme. J'ai vu un faucon voler au-dessus de moi un jour où se faisait mes besoins", raconte t-il.