« Il pense et il parle tout à la fois mais la chose dont il parle est rarement celle à laquelle il pense. »
1970. Conseillé par son ami Yves Robert (en caméo vocal à 15 minutes dans une publicité pour des cigarettes, probable hommage aux pubs anglaises pour les cigares Hamlet, et en guest à 16’45), qui l’avait lancé dans Alexandre le Bienheureux (1968) après un tout petit rôle dans Un Idiot à Paris de Serge Korber (1967) et avant le magistral Grand Blond avec une Chaussure Noire du même Yves Robert (1972), Pierre Richard réalise son premier film pour mettre en scène son personnage, celui qui fera sa renommée jusqu’à la fin des années ‘80, avec plus ou moins de réussite (du chef d’oeuvre Le Jouet, Francis Veber, 1976, au culte La Chèvre, du même, 1981, en passant par le mauvais La Carapate, Gérard Oury, 1978).
Si ce premier film est celui d’un acteur, laissant la part belle à d’autres interprètes, dont les audiardesques Bernard Blier, Micheline Luccioni et Robert Dalban, à quoi s’ajoutent des valeurs sûres du théâtre telles que Maria Pacôme (boulevard), Marie-Christine Barrault (classique) et Romain Bouteille (café-théâtre), c’est aussi une œuvre bien menée, à la caméra vive et originale, variant plans serrés et plans plus larges en fonction des besoins de l’humour de situation, essence de l’univers du personnage incarné par Pierre Richard.
Film au scénario délié, prétexte à des scènes plus originales et burlesques les unes que les autres, ce Distrait est aussi une critique sans concession de la culture publicitaire naissante et de la bourgeoisie, à travers une galerie de caractères dont le générique nous dit qu’elle fut inspirée de La Bruyère. Le thème et le ton, quant à eux, préfigurent l’oeuvre cinématographique de Jean Yanne (Tout le Monde il est Beau, Tout le Monde il est Gentil, 1972) en faisant également référence aux bad buzz, sur le principe qui veut que parler en mal d’un produit ou d’une personne, c’est encore et toujours en parler.
Entre Jerry Lewis, Jacques Tati et les Marx Brothers, Pierre Richard donne libre cours à sa fantaisie naturelle et poétique, sans se retrouver coincé par les contingences d’une réalisation extérieure.
Un premier essai réussi.