Le Juge Fayard dit le Shériff est sûrement le meilleur film de Boisset. Il parvient à trouver le parfait équilibre entre l’aspect purement divertissant d’un polar, et le caractère politique et engagé de son cinéma. Pour l’avoir souvent cherché, il ne l’a pas toujours trouvé, où imparfaitement, et ça fait plaisir de le voir ici au sommet de son art.
Déjà, en bon point, notons l’excellent casting. Patrick Dewaere trouve l’un de ses meilleurs rôles assurément, et ça me fait plaisir de le voir dans un film vraiment réussi après deux déceptions, notamment dans l’Hôtel des Amériques. Il était tout indiqué pour ce rôle de jeune juge allant à 100 à l’heure et se moquant des conventions et de la bien pensance. Il joue un rôle important pour faire adhérer à son personnage et lui éviter la caricature dans laquelle il aurait pu aisément tomber. En vrai, c’est parce qu’on connait l’acteur et son tempérament que son personnage apparaît si crédible. Autour de lui, de bons acteurs, notamment un solide Philippe Léotard, un très bon Jean Bouise, une Aurore Clément très convaincante en prof. On notera un Jacques Spiesser qui se trimbalait déjà en mode Droopy ! Franchement, côté casting il n’y a pas d’erreurs.
Le scénario est vraiment séduisant. Déjà, le film n’a aucun temps mort. C’est 2 heures qui filent sans bavure, sans moment de pause, le film enchaine et on ne voit pas le temps passé. Il alterne entre les déboires du héros avec sa hiérarchie et le terrain, et des séquences issues du polar classique. Braquage, évasion, exécution, le film enquille ce que l’on apprécie ordinairement dans un film de ce genre avec des gangsters, des barbouzes et des politiciens véreux ! Ok, certains pourront reprocher l’insistance politique de Boisset, le message un poil trop appuyé, mais le contexte de l’époque s’y prêtait aussi. Peut-être que le film aura un peu vieilli à cause de cet ancrage bien dans son époque, cela dit, à bien des égards, il pourra tout aussi bien parler de la nôtre. Faut juste faire quelques adaptations ! La fin est excellente, jusqu’au-boutiste, elle conclue parfaitement un film rondement mené.
Formellement, Boisset fait aussi du solide travail. Il filme vrai. Les décors sonnent juste (on notera d’ailleurs le souci de poser géographiquement le film dès le générique), la photographie un peu grise convient parfaitement à l’ambiance morose du métrage, la bande son singulière commence avec des cornemuses ! Etonnant, mais ça participe de l’ambiance étrange du film qui est traversé tout du long d’une certaine excentricité dérangeante (l’ambiance du bordel ; le dessin porno…) Boisset livre une excellente mise en scène et soigne en particulier ses moments d’action qui tout en restant simples et réalistes, font vraiment preuve d’une belle efficacité. Il arrive vraiment à élever son film au rang d’œuvre d’art, tout en préservant le sens du divertissement visuel.
Mon avis sur Le Juge Fayard dit le Shériff c’est qu’il s’agit vraisemblablement d’un des meilleurs exemples français d’un film distrayant qui s’élève par son sujet, sa réalisation et son casting. A bien des égard, ce métrage m’a rappelé par son sujet Un linceul n’a pas de poches de Mocky, sortis trois ans plus tôt et où un journaliste cette fois dénonce de manière tout aussi radical les crimes des hautes sphères. La fin du reste est semblable. Mais là où Mocky avait tendance à se disperser et souvent à faire n’importe quoi, Boisset tient son sujet de bout en bout, son rythme, il n’y a pas une scène de trop, et tout fonctionne pour ce qui est un film majeur assurément. 5