En 2005, Don't come knocking a été présenté en Sélection officielle, en compétition, au Festival de Cannes. Cette année-là, Jessica Lange était à l'affiche d'un autre film de la compétition, Broken flowers de Jim Jarmusch, ami de longue date du cinéaste allemand. En recevant son Grand Prix, l'Américain a d'ailleurs salué plusieurs de ses "concurrents", parmi lesquels Wenders "qui", a-t-il rappelé, "a été très généreux avec moi quand j'ai commencé à tourner mes films il y a vingt ans".
Don't come knocking marque les retrouvailles de Wim Wenders avec l'acteur-réalisateur-scénariste-dramaturge Sam Shepard, 21 ans après une première collaboration couronnée de succès : Paris, Texas. Shepard en avait co-écrit le scénario, mais avait refusé d'en interpréter le rôle principal, malgré la demande insistante du cinéaste. Ce road-movie avec Harry Dean Stanton et Nastassja Kinski, dans lequel il est déjà question des relations père/fils, décrocha la Palme d'Or à Cannes en 1984, et est devenu, au fil du temps, un des films favoris des fans de Wenders. Pour Don't come knocking, Wenders est parvenu à convaincre son scénariste d'être également devant la caméra...
Wim Wenders évoque les retrouvailles avec Sam Shepard : "Cela faisait longtemps que j'attendais de pouvoir retravailler avec Sam. Nous avions fait équipe une fois, sur Paris, Texas. Et cette collaboration avait été si fantastique, le plaisir avait été si grand que nous avons tous les deux refusé de courir le risque de ternir ce formidable souvenir pendant presque vingt ans.. Quelque part, c'était un choix très conscient. Je crois que nous avions peur de gâcher quelque chose de parfait en essayant de le répéter. Mais vingt ans c'est long, et nous nous sommes finalement décidés. Nous avons essayé de prolonger encore ce plaisir et avons travaillé sur le scénario pendant trois bonnes années. Pas en permanence, bien sûr, mais souvent, dans différents lieux à travers les Etats-Unis."
Le rôle de Doreen, l'ancien amour que retrouve Howard, est interprété par Jessica Lange, l'épouse de Sam Shepard depuis 1982. Les deux comédiens s'étaient déjà donné la réplique à trois reprises, dans Frances de Graeme Clifford (1982), Country de Richard Pearce (1984) et Crimes du coeur de Bruce Beresford (1986). Sam Shepard avait également dirigé sa compagne dans son premier long métrage en tant que réalisateur, Far North, en 1988.
Dans ce film qui revisite la mythologie du cinéma américain, le rôle de la mère de Howard est interprété par une des dernières légendes d'Hollywood, Eva Marie Saint, l'héroïne de Sur les quais, La Mort aux trousses et Exodus.
Initialement, Wim Wenders devait réaliser Don't come knocking dès 2002. Mais des problèmes de financement ont forcé le cinéaste à reporter cet ambitieux projet. C'est ainsi qu'il a choisi de se lancer dans un film à petit budget, Land of plenty, réalisé en 16 jours, en caméra DV, et sorti en France en septembre 2004. Après avoir retravaillé le scénario durant trois ans, il a finalement pu tourné Don't come knocking en 2004, en 36 jours.
Le cinéaste évoque la manière très particulière dont Sam Shepard et lui ont procédé pour écrire le scénario : "Sam ne pense pas en termes d'"intrigue", du moins pas au début. Il ne s'intéresse qu'au "personnage". Il nous a fallu un bon bout de temps pour arriver à créer Howard. Et une fois que nous l'avons vu là, devant nous, Sam a commencé à écrire les premières scènes. Ensuite, le processus a été le suivant : je lisais les pages, nous les travaillions ensemble en détail, nous en discutions, apportions des ajustements, et c'est seulement alors que nous pouvions commencer à réfléchir à la scène suivante. Pas au reste de l'histoire, non, seulement à ce qui allait arriver ensuite. Ensuite, Sam devait écrire tout ça, il fallait que je le lise, et une fois la scène revue, retravaillée, ajustée, nous passions à la suivante, et ainsi de suite. Le processus d'écriture du scénario s'est déroulé en totale continuité ! Scène après scène, sans jamais s'en écarter pour penser en aval. C'est une extraordinaire manière de faire, très exigeante pour le réalisateur."
Cinéaste mélomane -qu'on se souvienne du Buena Vista Social Club ou de Soul of a man -, Wim Wenders a fait appel, pour la bande originale de Don't come knocking, à T-Bone Burnett, vétéran du blues, collaborateur de Bob Dylan, producteur d'albums de Counting Crows, Elvis Costello ou encore Joseph Arthur. Au cinéma, il a notamment travaillé avec les frères Coen (O'Brother, Ladykillers). On entend une de ses chansons, Humans from earth, dans un précédent film de Wenders, Jusqu'au bout du monde. En 1997, il avait signé la partition d'une pièce de théâtre de Sam Shepard, Tooth of crime.
Vieux complice de Wim Wenders (il est notamment l'auteur du scénario de The Million Dollar Hotel), Bono, le leader charismatique et engagé de U2, a composé, en août 2005 (soit après la projection du film à Cannes, et quelques semaines seulement avant la sortie du film), un morceau, également intitulé Don't come knocking. On entend cette chanson dans le film. Elle est interprétée par Bono, en duo avec l'Irlandaise Andrea Corr, du groupe The Corrs.
Au départ, Wim Wenders pensait faire appel pour la photographie à Phedon Papamichael, son chef-opérateur sur The Million Dollar Hotel. Mais, le tournage ayant pris du retard, celui-ci n'était plus disponible. Le réalisateur a alors choisi Franz Lustig, avec qui il venait de travailler sur Land of plenty.
Dans Don't come knocking, la femme qui figure sur la photographie que montre Sky-Sarah Polley à Howard-Sam Shepard (et qui, dans l'histoire, représente la mère, décédée, du personnage), est en réalité la vraie mère de la comédienne, Diane Polley. Directrice de casting, et grande admiratrice de Sam Shepard, elle est décédée alors que sa fille avait 11 ans.
A propos du choix de la ville de Butte, le cinéaste note : "Je connaissais Butte depuis 1978 (...) J'ai suggéré de prendre cette ville comme lieu de tournage principal dès le début de notre projet. J'ai toujours eu envie de raconter une histoire qui se déroule là-bas. J'avais lu dans une vieille interview de Dashiell Hammett que pour la ville mythique de Poisonville dans son premier roman, La Moisson rouge, il s'était inspiré de la ville de Butte, dans le Montana, où il avait vécu quelque temps au début des années 20 quand il était détective chez Pinkerton. Je m'étais rendu en voiture à Butte. Et j'ai été soufflé ! Je n'avais jamais vu un endroit comme celui-là. D'énormes immeubles de pierre, comme sur Broadway à New York, douze étages de haut, de larges avenues... mais tout cela était abandonné ! Une ville fantôme aux proportions énormes (...) C'est nettement moins sinistre aujourd'hui que la première fois que j'y suis allé, mais la ville a quand même gardé sa personnalité unique, son caractère."
Pour la ville dans laquelle vit la mère du héros, c'est Sam Shepard qui a suggéré Elko : "(...) nous voulions la faire habiter dans une petite ville du Nevada (...) Il y a là-bas une "tradition cow-boy" encore authentique qui n'a pas été gangrénée par la culture du jeu et des casinos, cette culture qui s'est emparée de toutes les autres villes du Nevada. Il y a aussi une tradition basque présente, parce qu'il y avait beaucoup de troupeaux de moutons. On y trouve encore une excellente nourriture basque, par exemple. Tout cela en faisait un mélange très intéressant et un cadre formidable pour notre histoire."
Enfin, pour les scènes de "film dans le film", Wim Wenders explique pourquoi il a opté pour Moab : "Moab a été choisie bien après. Sam et moi avions écrit les scènes d'ouverture et de fin en les situant à Monument Valley, que nous connaissions et aimions tous les deux. Mais les repérages à Monument Valley ont été très décevants. J'ai eu le sentiment que l'endroit avait perdu son âme et qu'il était devenu à jamais une sorte de "pays Marlboro". L'esprit de John Ford avait disparu, remplacé par un ersatz, le syndrome "véritable aventure pour touristes". Moab a été l'alternative. Il y a des paysages qui ressemblent à ceux de Monument Valley et John Ford y a tourné également plusieurs de ses grands films. En fin de compte, l'endroit est moins exploité, moins cliché." Parmi les films tournés à Moab, citons Rio Grande et Les Cheyennes de Ford, mais aussi Indiana Jones et la Dernière Croisade et Thelma et Louise.
Wim Wenders avait déjà dirigé Tim Roth dans The Million Dollar Hotel (2000).