Avec Ladykillers, Joel et Ethan Coen revenaient pour la septème fois sur la Croisette. La comédienne Irma P. Hall y a remporté, non pas le Prix d'interprétation féminine (attribué à Maggie Cheung), mais, de façon peu banale, le Prix du jury, partagé avec le film thaïlandais Tropical malady. Le jury était présidé par un autre réalisateur américain, Quentin Tarantino.
Ladykillers est un remake homonyme du classique de 1955, réalisé par Alexander Mackendrick. " Joel et moi avions adoré le film original", raconte Ethan Coen. "C'est une histoire redoutablement efficace qui offre un potentiel comique puissant. Nous l'avons épurée jusqu'à n'en garder que la structure principale, les rouages, et nous avons repensé tout le reste. Les spécificités des personnages et le cadre de l'action sont complètement différents de l'original." Joel Coen précise : "L'idée de situer Ladykillers dans le Sud et de faire de la vieille dame une fervente de l'Eglise baptiste a été notre point de départ. Cela redéfinissait tout l'ensemble".
Les cinéphiles les plus pointus auront peut-être constaté que dans le tout premier film des frères Coen, Sang pour sang (1984), ceux-ci avaient emprunté une réplique au film original. "Dans Sang pour Sang", explique Joel Coen, "lorsque le détective tire sur le propriétaire du bar, il dit "Qui a l'air stupide maintenant ?". C'est une réplique culte de la fin de Tueurs de dames, lorsque le gangster appuie sur la détente de l'arme vide..."
Les frères Coen se sont à nouveau entourés d'une équipe fidèle au poste : le directeur de la photographie Roger Deakins a tourné huit films avec eux, le chef décorateur Dennis Gassner six, la chef costumière Mary Zophres sept, ou encore le coordinateur des cascades Jery Hewitt, qui en a collaboré à neuf reprises avec la fratrie.
A l'inverse de Ms. Wilberforce, le personnage de la vieille dame du film original incarnée par Katie Johnson, les frères Coen voulaient une femme plus dure de caractère pour leur version de l'histoire. L'actrice Irma P. Hall fut la première a être auditonnée dans le développement du projet. Persuadée d'avoir échoué, elle se souvient : "Je n'avais lu que quelques lignes, et puis nous avions commencé à parler. Je me suis dit qu'ils ne voulaient même pas m'entendre lire et que je n'aurais pas le rôle ! Je n'oublierai jamais ce sentiment de tristesse". Par conscience professionnelle, les frères Coen ont auditionné des dizaines de personnes... pour rien, avant de se rendre compte qu'Irma P. Hall serait la seule capable d'incarner Ms. Munson.
Au cours d'une scène mettant aux prises Marlon Wayans avec Irma P. Hall, celle-ci asséna une véritable gifle à l'acteur ! Impassible, Marlon poussa même le professionnalisme jusqu'à "ne pas anticiper le coup à la seconde prise, sachant ce qui allait lui arriver" raconte Joel Coen. Et d'ajouter : "Ce qui est le plus amusant, c'est qu'Irma est allée voir Ethan et qu'elle s'est mise à fanfaronner en lui disant qu'elle avait suivi une formation au combat..."
Le professeur Dorr est un personnage loufoque et décalé qui permet à Tom Hanks de laisser libre court à son interprétation pour en révéler tout le potentiel comique. "C'est le cerveau de l'affaire" explique Joel Coen. "Mais il faut prendre ce terme de "cerveau" au sens large... Le gang le tient pour le plus intelligent d'entre eux, mais tout est relatif...". Et Tom Hanks d'enfoncer un peu plus le clou : "Dorr n'a rien d'un génie du crime et son équipe est faite de bras cassés... Son assurance, sa confiance en lui et sa capacité à anticiper les problèmes sont pourtant celles d'un virtuose".
La chef costumière Mary Zophres a exprimé la qualité intemporelle des costumes en combinant différentes époques du 20e siècle, tout en gardant à l'esprit que les personnages vivent dans une petite ville du Mississipi. Tandis que Ms. Munson et ses amis de l'église portent des tenues fleuries et des châles, rappelant les années 1930, les hommes de mains de Dorr ont des tenues plutôt contemporaines... Excepté peut-être les personnages du Général et de Garth Pancake, qui semblent ne pas avoir renouvelé leur garde-robe depuis les années 1970.
Le bestiaire de Ladykillers est plutôt loufoque : on y croise Pickles le chat, un corbeau sur un pont, et même un bouledogue anglais dressé à faire le mort, qui porte un masque à gaz ! Réputés difficiles à dresser, l'équipe avait dix chats identiques capables d'actions différentes. Pour chaque scène, elle en préparait trois différents.
T-Bone Burnett, le producteur exécutif de la musique, retrouve les frères Coen pour la troisième fois. "Dans ce film comme dans O'Brother" explique-t-il, "les frères Coen ont fait de la musique un élément essentiel de la narration. La musique a toujours occupé une part importante dans leurs films, depuis le nettoyage des traces d'un meurtre au rythme de 'It's the Same old Song' dans Sang pour sang, aux tyroliennes de Arizona Junior, en passant par la séquence de rêve humoristique de The Big Lebowski ou les témoignages d'un siècle de musique folk dans O'Brother... L'album de ce dernier film a fait renaître l'intérêt pour la musique folk, il s'est vendu à 7 millions d'exemplaires, ce qui en fait l'un des best-sellers de l'histoire de la musique de film".