Le film de Gavin Hood n'est-il rien d'autre que l'ombre portée du chef-d'œuvre d'Orson Scott Card, publié en 1985 et premier tome du Cycle d'Ender, à l'aune duquel la plupart des spectateurs l'ont noté et critiqué ? Choisir l'angle de l'adaptation se défend, à condition d'éviter le hors-sujet et quoique l'exercice conduise en général à réduire la Littérature et le Cinéma au récit, ce qu'ils ne sont évidemment que pour partie. La déception affichée par ces mêmes spectateurs, en revanche, trahit une certaine hypocrisie : car nul lecteur de La Stratégie Ender n'aura imaginé, compte tenu du public visé par un réalisateur qui gagnerait à rester peu connu, que le film sonderait la pensée d'un garçon de six ans, se promenant et se battant parfois nu comme un ver dans l'École de guerre, représentant le seul espoir de la juiverie qui n'entend échapper à la menace soviétique qu'en agitant le spectre du Doryphore, péril extérieur à la Terre comme à la pomme-de-terre [easy] ; un stratège-né, mais un enfant livré à lui-même, découvrant seul la complexité des relations humaines, la relativité de l'amour et de l'amitié, la solitude du pouvoir qu'il émane de l'excellence ou de la manipulation, la violence et ses limites ; un petit garçon contraint, malgré son génie, d'assumer jusqu'au bout le rôle auquel il doit sa propre conception. Bref, il se nomme Andrew, membre de la fratrie Wiggin sur laquelle repose, pour le meilleur et pour le pire, le sort de l'humanité.
Loin de tout manichéisme, de tout anticommunisme, antimilitarisme primaires, Orson Scott Card fait donc montre d'une grande subtilité et parvient à émouvoir jusqu'aux larmes. Gavin Hood, quant à lui, n'extrait du livre culte que son univers, cadre d'un film d'action joué par des adolescents, pour des adolescents. Indépendamment de ce livre, que vaut-il ? À la fois peu et plus que son affiche le laisse supposer : les acteurs, tous trop vieux à leur manière, n'épuisent pas leur talent, tandis qu'Harrison Ford semble épuisé ; les effets spéciaux passent du vraiment laid, à l'instar du Jeu, au vraiment beau, à l'instar du Doryphore ; le propos est simple, mais pas bête. Au final, La Stratégie Ender pâtit surtout de l'extrême répétitivité des scènes, de l'absence de mise suffisante et de véritable obstacle à la progression du protagoniste ; il prend alors des airs de Guerre des boutons en apesanteur, les combinaisons en plus, la classe en moins.
En réalité, le film est à ce point dénué de prétention qu'il s'en dégage une certaine pureté. Il ne garde pas assez du roman pour le malmener, mais assez pour lui servir de teaser et engendrer une nouvelle génération de lecteurs. Plus de bien que de mal en sort, d'autant qu'il m'a permis de visualier les batailles, les indications spatiales de l'auteur m'ayant souvent laissée dans le flou. #autiste