Devenu le mieux connu au sein de l'oeuvre de Robert Bresson, apprécié même par ceux qui ne goûtent guère son art, "au hasard Balthazar "est pourtant un film qui véhicule les thèmes récurrents évoqués par le metteur en scène.
Contrairement à ce que j'ai lu, "au hasard Balthazar" ne me semble pas, à ce titre, représenter une rupture dans l'oeuvre du cinéaste. Il est vrai cependant, qu'ici, Bresson expose clairement son regard sur l'existence et ne laisse que peu de place à l'interprétation du spectateur. Un humour très noir y affleure (le titre en est le premier témoin)et renvoie à un estat d'esprit très sombre, voire désespéré.
Le film raconte l'histoire d'un âne, encore un anon, lorsqu'il est adopté par deux enfants, jusqu'à sa mort, victime de la méchanceté des hommes. Le monde décrit par Bresson est celui de l'accumulation de quantité d'actions négatives de la part des personnages, qui vont de la maladresse d'un douanier armé, de la bêtise de la femme du boulanger, du manque de discernement du gendarme en passant par la folie meurtrière du clochard, la faiblesse de Jacques, l'avarice du marchand de grains, le panurgisme des adolescents qui suivent Gerard, la vulgarité des chansons qui passent à la radio..., sans oublier Gérard incarnation de la perversité et figure évidente du mal. Marie n'est pas épargnée en représentation du " vouloir être esclave " malgré le fait que tout lui soie possible.
Le film devient une sorte de catalogue de la négativité humaine dont la présence de l'âne joue comme caisse de résonance et représente une expression pure de la colère impuissante et de la tristesse contre le monde. Bresson semble s'interroger ici :" ou est Dieu ?".
Le film est bouleversant et il serait sans doute réducteur de s'arrêter ici au sort du mignon petit âne, ruse sentimentale qui a servit la bienveillance dont jouit le film, mais à laquelle on commetrait, selon moi, un contresens que de s'y limiter.