Le Père Noël est une ordure n’est surement pas un film très fin, mais c’est un métrage qui reste une des références en matière d’humour, et surtout qui vieilli fort bien, accumulant cette patine nostalgique des années 80, qui pour l’instant ne ringardise ni n’altère le métrage.
Les acteurs sont ici très bons, plusieurs trouvant surement leur meilleur rôle ici, à l’instar d’Anémone, ou de Marie-Anne Chazel, et d’autres trouvant probablement leurs personnages les plus typés. On sent clairement une cohésion entre les acteurs, chacun prend plaisir à faire son petit numéro, ils le font avec beaucoup de naturel, et, chose rare quand même dans les comédies françaises, aucun n’est agaçant, malgré la diversité des profils. Au final même les seconds rôles on fait l’objet d’une réelle attention, et le métrage offre quand même des numéros d’acteurs délirants.
Le scénario est rondement mené. L’esprit théâtral est parfait, les scènes en extérieur apportent toujours un plus, l’humour, souvent burlesque, décalé, voir volontiers noir, fonctionne sans difficulté, et l’arrière-plan social (le travesti homo par exemple) résonne toujours d’actualité. Ce qui est intéressant c’est encore la tonalité douce-amère du film. Il aborde plein de choses sérieuses, sans en donner nullement l’impression, et avec une dimension résolument optimiste. Curieusement c’est peut-être un des films à aborder avec le plus de bon sens de sujets comme la rue, la misère humaine. L’âge du film est par ailleurs d’un excellent impact sur le métrage, qui comme je l’ai dit, gagne encore de cette nostalgie, de cette mélancolie et devient une impressionnante tranche eighties.
La réalisation est parfaite. Poiré domine son film, utilisant le style théâtral avec une maitrise d’enfer, et offrant des plans impressionnants. Celui de la cabane de Jugnot et Chazel, avec en arrière-plan les HLM, de nuit, est assez magnifique quand même ! C’est très propre, très fluide, plein du dynamisme que nécessité le métrage, et le reste suit. Les décors restent limités bien sûr par le choix du quasi huis clos, mais le film respire l’authenticité, le vrai, jusque dans ses moindres détails. Il y a quelque chose de réaliste et de naturel, contrastant d’ailleurs avec le choix d’humour proposé par le film, plutôt burlesque et décalé. La photographie, tout comme la musique au demeurant (très réussie), respire totalement les années 80, et tant mieux. Le Père Noël est une ordure est un morceau d’époque jubilatoire, et aujourd’hui les couleurs, un peu délavées, l’ambiance musicale rétro, cela participe pleinement de la patine séduisante du film.
En tout état de cause Le Père Noël est une ordure est un métrage des plus réussis, surement une des meilleures comédies françaises. Très rythmé, très bien interprété, très bien filmé, doté d’une tonalité franchement original, c’est un film qui ne lasse pas. Notamment car il est plus intelligent qu’il n’y parait, n’hésitant pas à se montrer volontiers caustique, à jouer avec des sujets qui sont trop souvent aborder en France, sur le ton du drame ou de la comédie dramatique (la rue, l’homophobie, le racisme, le meurtre…) en évitant en plus toute bien-pensance et discours moral balourd. Le spectateur reste juge, et tant mieux. 5.