Belmondo c’est un peu comme Martine, il y a Belmondo L’Alpagueur, Belmondo le professionnel, Belmondo le guignolo… Ici c’est Belmondo l’héritier ! Pour ma part, je pense que c’est un film relativement correct de sa filmographie, mais qui n’a rien de mémorable non plus ! Belmondo est un acteur que je trouve généralement agaçant, car est venu une époque où il a fini par sombrer dans un jeu monolithique et auto-parodique, et L’Héritier est à la jonction de ce basculement. L’acteur est un peu en roue libre et ressemble à une caricature. Il drague lourdement, il roule avec des super voitures qu’il conduit lui-même, il balance des répliques qui tue et il semble toujours goguenard ou rigolard. En fait, Belmondo donne l’impression de jouer au théâtre, il en fait beaucoup. Heureusement, son rôle de riche héritier un peu jet-setteur à l’origine permet d’y croire un peu, et il est également entouré de seconds rôles qui temporisent son côté grandiloquent, notamment un Jean Rochefort discret et un Charles Denner acceptable. Je regrette d’ailleurs qu’ils ne soient pas mieux employés. Le casting féminin est plutôt charmant, mais ne sert pas à grand-chose, faut le dire, surtout le personnage de Carla Gravina, qui semble juste là pour quelques séquences de drague assez mal à propos. A noter l’insupportable prestation du fils de Belmondo dans le film qui en plus est une caricature ambulante.
Le casting est donc séduisant, l’interprétation, globalement, moins. Heureusement, le scénario est assez attrayant. Un film de ce genre en France, c’était pas si fréquent, même à l’époque, avec son côté espionnage qui fonctionne correctement. Le film est plutôt bien rythmé grâce à quelques scènes d’action qui l’émaille, il y a un peu de suspense quand même, le mystère reste entier assez durablement et il n’y a pas de trop énormes ficelles. Le seul vrai défaut du film c’est cette tendance à la digression, notamment sur Bébel et les femmes, ce qui m’a paru souvent tout à fait prétexte à mettre un peu de drague. Plus intéressant est le propos sur les médias, sur les magouilles des grandes compagnies et le rôle du politique, même si en définitive, c’est un peu trop esquissé.
Visuellement, le film est acceptable, mais je rejoins certains critiques, ce n’est pas non plus du grand cinéma. En vérité, il n’y a pas réellement une réalisation marquante, même si les scènes d’action sont honnêtement faites. En revanche, le montage assez nerveux compense et donne un rythme assez alerte et un style cut au film qui peut surprendre par moment dans ses enchainements. La bande son est vraiment dans son époque, je l’ai trouvé parfois un peu déconcertante vu le genre du film, mais elle a une certaine personnalité, c’est déjà ça !
Sincèrement, L’Héritier n’est pas un chef-d’œuvre, mais c’est un film relativement bien fait et au propos assez intéressant pour convaincre le spectateur. Je pense qu’un Delon aurait été meilleur dans le rôle, car Belmondo cherche presque toujours à insuffler de l’humour ou un peu d’auto-parodie dans ses films, et ici, ça aurait été bien d’avoir un personnage un peu plus sombre, plus tenu, plus dans son enquête. Tout le film y aurait gagné dans sa dimension espionnage et suspense. Là, en définitive, malgré un sujet sérieux, on lorgne souvent vers une dimension comique avec des répliques qui sentent bon le Bébel gouailleur et des situations quasi-vaudevillesques entre les deux personnages féminins principaux et le héros. 3