Jean-Paul Rappeneau a longtemps été l’un des chouchous de la critique française. Sa courte filmographie (8 films en cinquante ans de carrière), les acteurs reconnus qui l’ont accompagné tout au long de celle-ci (Yves Montand, Jean-Paul Belmondo, Catherine Deneuve, Juliette Binoche ou Gérard Depardieu) ont fait que son cinéma de pur divertissement a été reconnu comme fréquentable par l’intelligentsia parisienne. Le succès quasi planétaire et largement mérité de « Cyrano de Bergerac » en 1990 l’a ensuite rendu intouchable. En somme, tout l’inverse d’un Gérard Oury plus prolixe, lui aussi versé dans le divertissement, mais toujours regardé du coin de l’œil avec une certaine condescendance. C'est surtout le rythme animant ses films qui lui a apporté une forme de reconnaissance liée à une qualité jusqu'alors vue comme l'apanage quasi exclusif du cinéma hollywoodien. Sans doute ses plus grandes réussites comme « Les mariés de l’an II » (1971) « Le sauvage » (1975), « Cyrano de Bergerac » (1990) en ont largement bénéficié. Mais au moins une fois sur deux, le résultat est beaucoup moins convaincant, le fameux rythme en question favorisant le cabotinage de certains acteurs qui profitent de l’emballement général organisé pour se croire en roue libre. Les scénarios de Rappeneau montrent alors leurs faiblesses, accumulant les poncifs téléphonés et les comportements stéréotypés. Le temps qui passe montre désormais que des films comme « La vie de château » (1966), « Tout feu, tout flamme » (1982) ou « Bon voyage » (2003) font grise mine face à la production d’un Gérard Oury ayant la modestie de s’en remettre à des gags éprouvés et interprétés par des acteurs dont le jeu est encadré par un réalisateur vigilant. Justement, « Bon voyage » est l’exemple type du film qui ressemble à une fausse bonne idée. Cette revisite générale de la France de l’occupation bardée de clichés tous plus éculés les uns que les autres, démontre que peut-être Jean-Paul Rappeneau restait trop longtemps sans tourner, ne remettant pas assez souvent son métier sur l’ouvrage. Le quatuor amoureux constitué d’Isabelle Adjani, Gérard Depardieu, Virginie Ledoyen et Grégori Derangère, finit complétement essoré à force d’être ballotté par un déchaînement d’événements bizarrement aussi attendus qu’improbables. A vouloir ne jamais laisser respirer ses acteurs, Rappeneau les mène au bord de l’asphyxie. Le spectateur a de son côté sans doute décroché depuis longtemps, laissant le réalisateur conclure seul et péniblement ces presque deux heures où les acteurs semblent tous avoir envie de piquer un 100 mètres. Avec au sommet Peter Coyotte que l'on est allé débaucher uniquement pour améliorer ses performances de jogger. Si tout le monde avait passé la guerre à courir de la sorte, des collabos aux résistants, le conflit se serait vite terminé faute de combattants. Drôle de vision de la Seconde Guerre Mondiale ! Forcément les acteurs n'ayant jamais le temps de reprendre leur souffle, ils peinent à défendre leur rôle. Seul Depardieu impérial tire son épingle du jeu. Le réalisateur a voulu placer Isabelle Adjani en vedette, pensant peut-être que le temps s’était arrêté depuis « Tout feu, tout flamme », pour l’actrice prodige du cinéma français qui refusant de vieillir à l’écran cherche pathétiquement à retrouver celle qui emportait tout sur son passage d’ « Adèle H » (François Truffaut en 1975) à « Camille Claudel » (Bruno Nuytten en 1988). Lui comme elle, n’y seront pas parvenus avec ce film qui interroge sur la manière dont les réputations se construisent au sein d’un cinéma français qui une fois la confiance accordée à du mal à la remettre en question et inversement. Pour ce qui est de la Seconde Guerre Mondiale fictionnelle mieux vaut se ressourcer en regardant « La grande vadrouille » qui ciblant bien mieux ses effets, n’a pas pris une ride.