Avec son deuxième film, Tim Burton pose réellement les bases de sa patte artistique, déjà aperçue dans des courts métrages comme Vincent et Frankenweenie, avec un univers macabre, parfois poétique, carnavalesque pour sa recrudescence de créatures et bien souvent comique. Voyant son film comme une parodie de L’Exorciste, il met en scène un couple de jeunes mariés qui décèdent subrepticement sur la route en voulant éviter un chien avant d’être contraints de hanter leur ancienne maison, occupée par une nouvelle famille. Si Adam et Barbara sont respectivement joués par les peu connus Alec Baldwin (Mafia Blues) et Geena Davis (La mouche), le casting est des plus alléchants entre Jeffrey Jones (La folle journée de Ferris Bueller, Ed Wood, Sleepy Hollow), Catherine O’Hara (Maman j’ai raté l’avion), Winona Ryder (Edward aux mains d’argent, Dracula, Black Swan, le long métrage Frankenweenie) et bien sûr l’illustre Michael Keaton (que Burton reprendra pour ses deux Batman) dans le rôle de l’exorciste free-lance qui a la lourde tâche de porter l’essence du film en tant que créature principale fraîchement imaginée.
D’abord prévu pour être profondément horrifique, le registre du film a été décalé pour une orientation largement plus comique. En effet, si l’univers respire un fort cachet d’épouvante grâce à l’univers fantomatique dans lequel se retrouvent plongés les Maitland et à la figure de la vieille maison gardant des secrets jusque dans son grenier avec la maquette d’un cimetière, le tout est saupoudré d’une féroce sauce comique qui inverse le rapport du spectateur à l’horreur. Ce qui est censé faire peur provoque de ce fait le rire, notamment les métamorphoses faciales d’Adam et de Barbara, leurs mises en scène sanglante pour effrayer les Deetz alors que ces derniers ne peuvent les voir, ou encore la dégaine des nombreuses créatures difformes qui règnent dans cette sorte d’univers parallèle. Le spectateur recherche alors moins sa propre peur que celle des autres personnages, notamment concernant l’emprise que Beetlejuice obtient lorsque son nom est prononcé trois fois de suite.
Associé à Tim Burton depuis Pee-Wee Big Adventure, Danny Elfman signe une bande originale alliant efficacement le registre horrifique et l’aspect comique, notamment lors de la musique d’introduction ou quand ils trouvent le livre de nécrologie. Une des scènes les plus cultes du film montre les Deetz complètement envoutés en train de danser autour de leur table sur la musique Banana boat song d’Harry Belafonte, dans un style complètement décalé repris à la toute fin quand la jeune gothique est en lévitation sur fond de Jumping the line du même chanteur. Avec Beetlejuice, Tim Burton consolide son style artistique dans un film mémorable pour son univers et ses personnages. Michael Keaton marque son premier grand rôle au cinéma avec un jeu d’acteur brillamment déjanté, que le grand sérieux de son futur rôle de Bruce Wayne fera oublier avant que l’on retrouve son registre comique dans des films comme Jackie Brown, L’Enjeu ou encore Birdman des années plus tard.