Adaptation d'un célèbre comic d'Alan Moore,"La Ligue des Gentlemen Extraordinaires" a été un succès commercial, rapportant 180 millions de dollars pour un budget de 80 millions, mais s'est fait défoncée la critique : il n'est qu'à 17 % sur Rotten Tomatoes. Et surtout, Alan Moore lui-même a désavoué le film, pensant au saccagement de l'oeuvre d'origine. Pour ma part, la BD et le cinéma sont deux médias avec leurs propres caractéristiques et ça ne gêne pas trop d'apporter quelques modifications, à la seule condition que c'est justifiable. Et c'est malheureusement pas le cas. Déjà, le personnage de Tom Sawyer est ajouté pour plaire au public américain. Et Mina Harker, qui est censée être le leader de la Ligue, se retrouve rétrogradée au rang de faire-valoir. À la place, on a droit à une relation père-fils entre Allan Quatermain et Tom Sawyer, le premier ayant perdu son fils lors d'une bataille et l'autre étant un orphelin. Et je vous avoue que ça a une pertinence pour représenter la passation du pouvoir politique et culturel sur le monde entre l'empire britannique et les États-Unis. Mais le dommage collatéral est que le film risque de se mettre à dos le public non-américain dont moi. Et ce qui m'embête encore plus, c'est la bancalité du scénario, notamment autour de l'enjeu du film. Et pour vous la démontrer, je me sens obligé de raconter le film.
En fait, sur ordre de "M", la Ligue doit empêcher un conflit entre l'Angleterre et l'Allemagne qui permettrait au "Fantôme", le méchant du film, de vendre ses armes sophistiquées. Déjà, quand on sait que le film se déroule en 1899 et que la Première Guerre Mondiale va se dérouler quinze ans plus tard, on a du mal à croire au récit à moins de se forcer à croire que l'univers du film est une uchronie. Mais encore, plus tard, le "Fantôme" se révèle être "M" ou plutôt James Moriarty et la Ligue a été réunie avant tout pour récupérer les secrets de leurs membres tels qu'un bout de peau de l'Homme Invisible ou le sérum du docteur Jekyll et les vendre aux plus offrants. Et la dernière partie consiste non pas à empêcher le conflit international mais à atténuer sa gravité en contrecarrant les plans de Moriarty.
Pour résumer, le film essaie de dire mille trucs pour finalement partir dans tous les sens. Et c'est vraiment dommage car le film avait du potentiel. Ça aurait pu être une série B sympa à regarder en rassemblant quelques qualités que j'aurais normalement aimé. La direction artistique retranscrit bien l'univers steampunk du comic. La mise en scène est assez laborieuse pour rendre le film divertissant, malgré certains effets spéciaux plutôt ratés et quelques dialogues assez plates. Le scénario, bien que bancale, regorge de quelques rebondissements qui auraient pu être mieux amenés et mieux développés. Et enfin, je trouve que Sean Connery a une certaine prestance à l'écran, à noter que c'est sa dernière présence sur grand écran, ayant ensuite pris sa retraite d'acteur en pensant que le cinéma est devenu une industrie trop calibrée sur l'argent. Au final, on se retrouve avec un prototype des Avengers.