Troisième film de Billy Wilder que je revoie au cinéma, me rappelant à quel point (si besoin était!) celui-ci était un maître de la comédie n'ayant depuis longtemps plus le moindre égal. Pourtant, « Embrasse-moi, idiot » n'est pas sa plus grande réussite, ce qui en dit long sur le talent du monsieur. C'est que sous ses airs quasiment vaudevillesques, l'œuvre montre rapidement beaucoup de complexité, de richesse, le cinéaste parvenant (presque) à gommer toute la dimension théâtrale de la pièce d'origine. Rythme, dialogues, personnages, brillante exploitation du décor... On sent bien que rien n'est laissé au hasard, le déroulement du récit s'avérant en définitive assez imprévisible. Certes, on rit moins que dans mon souvenir et il y a parfois quelques baisses de régime. Mais lorsqu'on prend l'œuvre dans sa totalité, il y a de quoi se réjouir. Au-delà d'une technique impeccable et extrêmement fluide, le montage est également un modèle : rien de trop, tout est millimétré, Wilder faisant une nouvelle fois preuve d'un esprit débridé lorsqu'il s'agit de parler sentiments, couple, sexualité... Il le fait avec malice et beaucoup de classe, ses différents protagonistes étant l'occasion idéale pour se moquer de la société américaine : star du music-hall obsédé par la bagatelle, mari d'une jalousie maladive... On peut même y voir un vibrant plaidoyer « féministe » tant les deux protagonistes du « sexe faible », dans des genres très différents, s'avèrent bien plus cohérentes dans leur état d'esprit, l'une n'ayant pas vraiment le choix de sa condition, l'autre montrant beaucoup d'esprit et d'indépendance pour faire payer (gentiment) à son époux son comportement parfois plus qu'inapproprié. Car sous les railleries, le cinéaste reste un vrai tendre, aimant brocarder sans vouloir faire mal pour autant, parfaitement illustré par un dénouement réjouissant par sa capacité à se montrer inattendu et à ne pas se terminer quand et de la façon dont on s'attend... Enfin, côté casting, si Dean Martin fait (bien) le job, on retiendra bien plus l'excellent Ray Walston (dommage que sa carrière soit restée si limitée), l'irrésistible Kim Novak, tout en « sensibilité follement sensuelle » (plus belle, tu meurs direct), le réjouissant Cliff Osmond (sorte de sosie comique de Charles Laughton) et surtout Felicia Farr (épouse de Jack Lemmon), délicieuse de bout en bout pour ce qui est, peut-être avec Polly, le personnage le plus attachant du film. Wilder mineur ? Peut-être, mais surtout brillante comédie.