Moyen film de Steven Lisberger, l'origine de la grosse daube sortie il n'y a pas si longtemps, et déjà sous la houlette de Disney (oui, étant donné que j'ai détesté Tron l'héritage, je me suis dit qu'un petit détour dans le passé ne pouvait qu'accroître mon accablement). Et bien, finalement, je préfère le premier, ce Tron de 1982, donc, malgré cette impression étrange de tenir une manette de Super Nintendo pendant une heure trente d'images primitives, composées de cubes, de droites et pléthores d'angles droits. Bref, c'est très laid pour notre oeil bien habitué au réalisme toujours plus poussé des images de synthèses, c'est criant de babillage dans les techniques, c'est simple, manifestement et outrageusement pixelisé, mais enfin, c'est quand même moins bête que le dernier sorti (à croire que les têtes pensantes - si seulement on peut étiqueter ainsi de tels scénaristes - de Disney ne sont vraiment plus ce qu'elles étaient). Cela étant dit, je crois que du film se dégage une atmosphère, un "univers", un "grain", qu'on pourrait situer entre la bande dessinée et l'image de synthèse, et qui m'a beaucoup plus plue que les images prétendument révolutionnaires de la 3D. Ce qui devrait amener à une sorte de distinction comme celle-ci : derrière le "progrès technique", il n'y a pas nécessairement, comme une conséquence naturelle et obligée, une adhésion plus forte de la part du spectateur ; pour ça, il faut un peu de pensée, un peu d'art, un peu de vision, que la technique ne permet pas par elle seule. Bref ; j'ai trouvé quelques scènes (j'exagère, bien sûr), dans ce vieux Tron, belles (oui oui, belles), comme celle que j'ai reproduite, présente à la fin du film.
Evidemment, ce Tron de 82 permet d'éclairer un peu le dernier Tron l'héritage, avec les mêmes personnages (et les mêmes acteurs les représentant), Flynn par Jeff Bridges et Alan par Boxleitner. Il y a aussi le Space Paradise, le Flynn's, qu'on retrouve quasiment à l'identique dans les deux films. Aussi toutes les machines virtuelles : les motos futuristes et les étranges contrôleurs volants, jusqu'au train floral. Et puis on a quand même l'explication du nom même de la désormais saga, Tron, qu'on arrivait tout de même, à la fin du dernier sorti, à ne pas comprendre ! Tron, dans l'original, c'est à la fois le programme de surveillance qu'Alan programme contre le Maître Contrôleur Principal despotique et totalisant, mais c'est aussi le personnage virtuel, l'avatar d'Alan (alors que dans Tron l'héritage, ce n'est absolument pas clair, et Tron apparaît seulement comme un programme dont on ne sait pas grand-chose, et comme un des deux Flynn seniors virtuels, avec Clu. Le point commun, c'est que Tron est là, dans les deux films, au bon moment pour sauver tout le monde ; mais alors que l'hypothèse se tient dans le Tron de 82 (système d'interférences entre Alan et son avatar jusqu'au verrouillage dans le monde virtuel du Maître Contrôleur Principal), c'est complètement ridicule dans L'héritage : Tron, qui a d'abord été créé par Flynn, est ensuite asservi par Clu, avant de se rebeller contre ce Clu pour Flynn dans la fin du film, au nom d'une conscience morale qui n'a rien à faire là, genre je dois obéir à mon concepteur, à mon vrai Père (seulement, cette conscience morale aurait du déjà apparaître, puisque Tron pourchasse Flynn sous les ordres de Clu...)).
Bon maintenant, voilà la raison pour laquelle ce Tron de 82 est bien supérieur à Tron l'héritage : bien simplement parce que Tron est une réflexion, et que Tron l'héritage est une reprise sans réflexion. On pourrait presque développer ça sur le fond du rapport des générations à l'histoire : en 82 (bien sûr, tout ce que je dis là est entièrement tiré par les cheveux, puisque je n'étais pas né, bref, tout ce que vous lisez est faux) le rapport à l'histoire, au passé n'est pas encore fermé sur lui-même : il y a une vision d'avenir, un projet, une tentative en tous les cas d'ouvrir un peu les perspectives pour présager de ce que vont être les années immédiatement futures. En revanche, aujourd'hui, n'ayant de rapport au passé qu'admiratif, que remémoratif ou même (comble de l'horreur), que commémoratif (en tous les cas fondé sur la seule mémoire, le passé), il est impossible de proposer, d'inventer, de réfléchir un peu cet avenir virtuel, machinique, informatisé... Autrement dit, Tron l'héritage ne peut que reprendre des éléments, ne peut qu'être un héritage servile à une cause déjà entendue, ne peut que constituer une espèce de fourre-tout où la morale américaine et la bêtise holliwoodienne se battent farouchement pour condamner à l'avance toute tentative de modèle d'avenir. Alors que Tron sent la vie, même omnivirtuelle ou omnirhizomatique, Tron l'héritage ne peut soulever que les relents du passé et de la mort. Tron l'héritage est un mort-né.
Pour Tron, qui n'est pas non plus un grand film : 10/20.
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