Même pour l’époque, à savoir 1968, un long-métrage portant un titre comme Un shérif à New York (Coogan’s Bluff en VO) avait de quoi faire fuir le public, ce dernier s’attendant obligatoirement à une sorte de série B qui peut néanmoins divertir s’il ne se prenait nullement au sérieux. Alors, quand on sait qu’il s’agit de la première collaboration entre Clint Eastwood et le réalisateur Don Siegel (tandem qui donnera naissance à Sierra torride, Les Proies et surtout L’inspecteur Harry), il y a de quoi se poser des questions sur la véritable nature du long-métrage. Et le seul moyen d’avoir la réponse, c’est bien évidemment de le regarder ! Mais honnêtement, si vous aimez le personnage de Harry Callahan (vous allez voir que la comparaison sera inévitable), vous serez plus que déçus par ce film.
Si l’on pouvait attendre ne serait-ce un minimum de la part d’Un shérif à New York, c’était l’espoir d’y retrouver les prémices à la franchise de L’inspecteur Harry. À savoir un Clint Eastwood en policier (plus exactement shérif comme l’indique le titre) aux méthodes plus qu’expéditives et à la réparties cinglantes. Avec en bonus un décalage humoristique qui joue à merveille le passage de l’acteur du western au polar, en s’amusant des clichés propres aux cowboys. En gros, un divertissement basé sur une enquête policière assez solide mais qui s’amuse à ridiculiser notre cher Clint avec son allure et ses manies d’une autre époque. Malheureusement, Un shérif à New York n’est pas ce style de long-métrage.
L’un des intérêts du film est sans nul doute l’affaire policière. Celle-ci ne casse pas trois pattes à un canard, il faut bien l’admettre : le héros devant juste retrouver un prisonnier qu’il devait ramener au bercail et qui s’est finalement évaporé dans la nature. Le fait que le personnage principal aille d’un point A à un point B, réalisant de bonnes et de mauvaises rencontres, est une structure scénaristique qui fait toujours son petit effet pour captiver l’attention du public. D’autant plus que le charisme évident de Clint Eastwood y est pour grand-chose. Mais cela s’arrête là, le long-métrage n’arrivant pas à tenir sa promesse, et ce malgré une séquence d’introduction qui annonçait la couleur (à la fois tendue pour la situation et rigolote avec une musique quasi inappropriée). Des répliques faisant mouche, vous n’en aurez nullement. De la baston et des fusillades marquantes, niet ! Juste un Clint qui s’acharne à draguer (pour ne pas dire harceler) de pauvres cruches et à se faire malmener aussi bien verbalement que physiquement. Vu le ridicule de certaines situations, cela prête tout de même à sourire de temps en temps. Mais de là à ce que ça prenne le pas sur l’enquête du scénario alors que le tout semble se prendre un peu trop au sérieux, c’est plutôt navrant de se sentir lasser par le film et de ne pas s’intéresser à la subtilité du plan final (le héros daignant donner une cigarette à son adversaire, symbole de son humanisation) et du concept de base (les conséquences de l’urbanisation, par exemple).
Surtout que niveau efficacité technique, Un shérif à New York n’est pas de la toute première fraîcheur. Car si le côté homme à femmes de Clint prend le pas sur l’intégralité du script, il ne fallait pas louper le reste, à savoir les quelques scènes d’action. Si la bagarre dans le bar sait divertir, la course-poursuite en motos ennuiera plus qu’autre chose. Se trouvant être un chouïa trop longue sans pour autant livrer un lot de cascades correctes et d’adrénaline. Pire, on se croirait presque devant une séquence sortie du Benny Hill Show, l’effet d’accélération en moins. Heureusement que l’ensemble ne dure qu’une heure et demie. Vu son allure, le film n’aurait pas fait long feu s’il avait duré quelques minutes supplémentaires à moins d’avoir plus d’action et de savoir-faire dans la mise en scène.
Déception donc de ce Shérif à New York, qui n’arrive pas à la botte du futur I*nspecteur Harry*. Alors qu’il avait de quoi amuser, divertir et faire réfléchir le spectateur, le long-métrage de Don Siegel ne fait que passer le temps par son enquête et le ridicule assumé dans lequel se prête Clint Eastwood. Il est d’ailleurs le principal intérêt de ce projet. Alors, si vous n’êtes pas fans et que vous attendiez à une série B décapante du point de vue humoristique, vaut mieux que vous passiez votre chemin : la déception vous attendra au bout du visionnage !