Depuis trois ans, il existe une aide du Centre du Cinéma Albanais qui redonne vie au cinéma national en aidant chaque année 2 à 3 longs métrages, 5 à 6 courts métrages, et une dizaine de documentaires. Sans cette aide, Tirana année zéro n'aurait sans doute pas pu voir le jour. Les bienfaits de cette réforme se font sentiren 2001/2002: deux films albanais font parler d'eux sur la scène internationale, Slogans présenté à Cannes 2001 et aux Oscars 2002, et Tirana année zéro présenté au festival de Venise 2001.
Mais ces premiers signes de renaissance sont encore très fragiles, car comme le constate Fatmir Koçi, "il y a tout à faire. 70% des bons techniciens que nous avions ont quittés le pays, il n'y a plus de matériel untilisable, plus de laboratoires...Même les tables de montage sont inutilisables!".
Fatmir Koçi annonce fièrement que 60% des acteurs de son film sont des amateurs, en particulier les rôles principaux. Niku est vendeur de chaussures, et comme dans le film, il a quitté l'Albanie pour l'Italie, et est revenu au bout de six ans. Klara, elle ne faisait rien de particulier quand je l'ai rencontrée: elle essayait une robe...Elle avait concouru pour Miss Albanie et faisait vaguement des études. Elle apprend aujourd'hui l'art dramatique, tout comme Xhafa et la gitane." Les autres viennent pour la plupart du théâtre, un secteur resté très dynamique en Albanie sous le communisme.
Le portrait de l'Albanie chaotique que trace Fatmir Koçi dans Tirana, année zéro est-il réaliste?
"100% des événements sont réels" affirme le réalisateur.
"Voila pourquoi j'ai organisé mon récit comme une chronique. Je souhaitais ce mouvement car je connais tous ces personnages ou les ai rencontrés. L'allemand je l'ai rencontré tel quel, de même que la journaliste française. (...) Le sculpteur qui "recycle" les statues de Staline pour faire ses bonnes oeuvres, je lui ai consacré un documentaire, Alternative Head. Le personnage de Martha (la mère de Niku) est très courant: c'est une femme qui a perdu son emploi lors de la fermeture des usines et ses maigres économies ont été dilapidées dans les sociétés pyramidales. Le père, lui, est resté sous Staline ! Il ne pourra jamais partir...sauf peut-être en Russie ! Quant aux responsables de l'administration, confronté à toutes les familles qui ont vu leurs biens confisqués sous la dictature et qui cherchent à les récupérer, c'est malheureusement une caricature (à peine) que l'on connaît depuis longtemps...".
Fatmir Koçi n'a donc pas eu à forçer le trait, même pour des scènes comme celle du cinéma, qui est "totalement véridique" et date de 1995, ou encore celle du concert de mitraillettes des voisins à leurs fenêtres, traditionnel le soir du nouvel an en Albanie.