Si "Garbo parle" fut le slogan d'Anna Christie, "Garbo rit" fut celui de Ninotchka. En effet, l'avant-dernier film de la Divine fut également sa première comédie. La publicité de l'époque mit particulièrement en valeur cette nouvelle facette de la personnalité de l'actrice. C'est Greta Garbo elle-même qui exigea de la MGM, en charge de sa carrière, un rôle comique ; elle souhaitait renouveler auprès du public son image d'héroïne tragique au destin torturé.
Ninotchka est un des premiers films américains qui, sous des airs de comédie légère et romantique, ose proposer une critique acerbe de l'Union Soviétique sous Staline. Le long métrage tourne en dérision la société russe de l'époque en opposant son côté triste et rigide à celui, joyeux et léger, de la vie parisienne.
Les personnages de Buljanov, Iranov et Kopalski, les trois agents russes du Komintern, sont des stéréotypes caricaturés à l'extrême. Et ils présentent d'étranges et frappantes ressemblances physiques avec les trois pères de la révolution russe, Trotski, Lénine et Staline ...
Réalisé en 1939, Ninotchka est le premier film à caractère politique d'Ernst Lubitsch et fait figure de prémisse à son chef-d'oeuvre de 1942, Jeux dangereux, dans lequel sa critique politique est encore plus poussée. Ninotchka sortit en salles un mois après l'invasion de la Pologne par l'Allemagne, pays que le réalisateur avait dû fuir à cause des répressions antisémites.
Greta Garbo et Melvyn Douglas ont été amoureux à trois reprises à l'écran : dans As You Desire Me (1932), Ninotchka (1939) et La Femme aux deux visages (1941).
Le réalisateur Billy Wilder et son complice Charles Brackett écrivirent le scénario de Ninotchka pour Lubitsch, après avoir travaillé avec lui l'année précédente sur La Huitième femme de Barbe Bleue, adaptation de la pièce d'Alfred Savoir.
Quand Wilder passera à la réalisation à son tour, Otto Preminger dira d'ailleurs de lui qu'il est "le digne successeur d'Ernst Lubitsch".
Ninotchka reçut quatre nominations aux Oscars en 1939 : celui du meilleur film, celui de la meilleure actrice pour Greta Garbo, celui du meilleur scénario et celui de la meilleure histoire originale. Opposé au colossal Autant en emporte le vent, qui emporta neuf statuettes cette année-là, il repartit les mains vides.
Greta Garbo interpréta à de nombreuses reprises des personnages exotiques. Et bien qu'elle soit suédoise, elle se glissa dans la peau de personnages de nationalités variées. Elle fut ainsi russe non seulement dans Ninotchka mais à trois autres reprises : dans Anna Karenine, dans Grand Hotel ou encore dans la Belle Ténébreuse.
Ninotchka montre pour la première fois la Divine Greta Garbo riant aux éclats. En fait, l'actrice détestait son rire qui ressemblait plus à des gloussements, et fut doublée à cette occasion.
Le film fut un tel succès qu'il donna lieu à un remake en 1957 ; Rouben Mamoulian en fit une comédie musicale intitulée La Belle de Moscou, avec Fred Astaire et Cyd Charisse.
A sa sortie, Ninotchka fut censurée en Union Soviétique et dans tous ses pays satellites. Plus étrange, il resta interdit en Finlande jusqu'en 1988 !