Je continue mes incursions dans le cinéma de Kubrick avec Fear and Desire, son premier film (long-métrage). Le résultat reste mitigé.
D’un côté il faut le dire, même si les acteurs ne sont pour la plupart que débutants ou semi-amateurs, ils se débrouillent bien, dans des rôles parfois complexes. Le soldat fou donne vraiment l’impression d’être fou, et il en est parfois effrayants, les différents militaires ont chacun leur personnalité et ne se marchent pas sur les pieds, tandis que Virginia Leith incarne une petite présence féminine, et elle le fait plutôt bien, donnant de l’épaisseur à l’un des meilleurs passages du film très probablement. En plus son rôle est quasi-muet, autant dire que la prouesse est d’autant plus louable. A souligner que faute de budget certains interprètes ont plusieurs rôles, mais c’est presque imperceptible.
Autre bon point la qualité de la mise en scène. Même si Kubrick fait preuve de certaines maladresses, notamment dans l’action assez brouillonne, pour autant on le sent déjà très concerné par ce qu’il fait, il soigne ses plans, essaye de surprendre avec des audaces manifestes, et il y a de grands moments de cinéma dans ce film qui dépendent entièrement de son travail de réalisation. En gros un film de débutant avec les erreurs du débutant, mais on sent un vrai talent et une vraie volonté d’imposer un style.
On ne pourra en revanche qu’être assez déçu par l’histoire. Kubrick essaye un film de « guerre » allégorique et métaphorique, et même si parfois ça marche, c’est souvent lourd et lent (le prologue par exemple a un côté pontifiant pas génial du tout). De temps en temps quelques séquences à a fois réalistes et décalées viennent surprendre agréablement (notamment le passage avec Virginia Leith), mais ce n’est qu’épisodique, et je dirai que si Kubrick réussit des morceaux, il loupe le tout-ensemble de son film.
Formellement on ne ressent pas trop le petit budget du film, par le choix des décors, simples mais convaincants puisque le film se passe en forêt. Pas de volonté de faire plus que ce qu’il pouvait faire, et c’est très bien, même si la bande son un peu trop minimaliste et la photographie un peu trop linéaire (dur de se rendre compte de la différence entre scènes diurnes, nocturnes et crépusculaires).
Au final Fear and Desire tient plus de la curiosité qu’autre chose, mais c’est un métrage qui clairement impose un réalisateur volontaire et avec une vraie vision, ce qui est appréciable. Un film de débutant peut-être, mais qui a de la saveur. 3.