L'idée de réaliser ce documentaire est venue à l'esprit d'Alberto Marquardt en 1995, alors qu'il se trouvait à Buenos Aires et au moment où le capitaine Adolfo Scilingo a confessé les "vols" : l'armée se débarrassait de "disparus" encore vivants lors de faux transferts, la nuit, en les balançant à la mer depuis un avion. En réaction à cet aveu télévisuel, de nombreuses manifestations contre l'Impunité ont été organisées.
Le cinéaste s'est retrouvé dans l'une d'elles avec Mendez Carreras, l'avocat des ressortissants français "disparus" en Argentine parmi lesquels la soeur Alice Domon. Celui-ci lui a alors raconté la tragique histoire de cette religieuse. Alberto Marquardt est immédiatement rentré en France pour réaliser un reportage percutant visant à dénoncer l'Impunité, convaincu que le cas emblématique de l'enlèvement d'Alice Domon devait intéresser les médias en France.
Alberto Marquardt a mis du temps à rassembler le financement nécessaire, mais ce temps supplémentaire a finalement été bénéfique au film. Le réalisateur a refait le parcours d'Alice en France et en Argentine et a rencontré les gens qu'elle avait croisés. Celui-ci confie : "J'ai eu le temps de m'imprégner de son histoire, de passer du temps avec les personnes qu'elles avaient côtoyées. Une histoire enfouie émergeait de ces discussions, des choses que ces gens n'avaient jamais racontées".
Alberto Marquardt s'est d'abord rendu dans l'ancienne demeure d'Alice Domon, en Franche-Comté, où il a découvert sa famille. Un jour, une des soeurs de la religieuse a sorti une boîte à chaussures pleine de correspondances : il s'agissait des lettres qu'Alice envoyait à sa famille lorsqu'elle était au couvent à Toulouse, puis celles qu'elle avait écrites depuis l'Argentine. Ce sont ces missives qui ont constitué l'ossature du film.
Yo, sor Alice a été présenté dans de nombreux festivals, parmi lesquels le Festival Internacional del Nuevo Cine Latinoamericano 2001, où il a remporté le 2e Prix Coral du documentaire, et le Festival du film documentaire Voces Contra El Silencio de Mexico 2001, où il a obtenu la mention du jury.
Le film a été très bien accueilli lors de sa sortie en Argentine, totalisant 15 000 entrées. Documentaire le plus regardé de l'année 2001, il a été largement diffusé dans tout le pays grâce aux réseaux associatifs, aux syndicats et aux écoles.