Darryl Zanuck avait le goût du colossal triomphant, et le Jour le plus long était taillé à sa démesure. Il fut en effet le tout puissant général en chef de cette gigantesque entreprise où il jouait d'un coup l'avenir de sa carrière, car il investit son énergie, ses amitiés personnelles avec Eisenhower, lord Mountbatten ou lord Lovat qui lui fourniront le concours militaire nécessaire, et surtout ses appuis financiers qui l'auraient ruiné en cas d'échec. Fort heureusement, le film fut un triomphe international mérité et remboursa ses frais en 6 mois. Le Jour le plus long, c'est d'abord des chiffres qui donnent le tournis en 1962 : 8 millions de dollars, 10 mois de tournage, 66 heures de projection (dont 3 retenues au montage), 23 000 figurants, 167 rôles parlants, 54 vedettes internationales, 56 000 balles à blanc, 4 metteurs en scène réglant des séquences par pays, 37 conseillers militaires, 310 techniciens, et des tonnes de matériel (avions, navires, armements uniformes, véhicules...). On s'amuse parfois à reconnaître les visages de stars, mais ce film même s'il n'est pas le meilleur film de guerre jamais réalisé d'après Zanuck, parvient quand même à toucher le spectateur par son souci de réalisme, sa formidable énergie, sa bonne cohésion entre les scènes d'action et les scènes d'état-major, et surtout par ses scènes inoubliables habilement reconstituées en France : celle dramatique de Sainte-Mère-Eglise, celle de la pointe du Hoc, ou encore celle de l'attaque du casino de Ouistreham (une scène tournée à Port-en-Bessin avec un casino reconstruit à l'identique)... sans oublier les scènes du Débarquement proprement dit (en partie réalisées à Sablanceaux sur l'île de Ré), qui sont troublantes d'authenticité. Ces scènes ont été tournées par Andrew Marton, grand spécialiste des scènes d'action à Hollywood ( à qui l'on doit la course de chars de Ben-Hur), et auxquelles il a donné une dimension stupéfiante. Très intelligemment, le film préfère s'attacher au GI's anonyme plutôt qu'à trop d'officiers, dressant ainsi des portraits attachants et établissant un lien plus fort avec le public, ça nous touche profondément comme on finit par ressentir l'intensité des combats. La seule faiblesse de ce monumental travail réside dans les scènes françaises qui sont très conventionnelles, et particulièrement le rôle joué par Bourvil. Mis à part ce léger défaut, on demeure fasciné plus de 70 ans après les faits par cette restitution sincère qui a le mérite d'être un véritable spectacle en même temps qu'une leçon d'Histoire. Grandiose et instructif..