Troisième collaboration entre le réalisateur Sidney Lumet et l’acteur Sean Connery après « La colline des hommes perdus » et « Le gang Anderson », « The offence » a pour cadre la traque, dans une banlieue anglaise pluvieuse, d’un violeur pédophile en série.
Contrairement à beaucoup de films qu’il réalisera par la suite (« Serpico », « Le prince de New-York », « Q & A ») ce n’est pas le fonctionnement défaillant de l’institution policière qui intéresse Lumet, ni le déroulement de l’enquête. Non, c’est la personnalité de l’un des inspecteurs chargés des investigations, Johnson, joué par Sean Connery, un homme massif, sans vie sociale outre le travail, brutal, torturé, véritable concentré de colère et d’amertume.
Le film prend un tour presque psychanalytique. Le travail d’analyse se faisant par la parole, Lumet organise son film autour de plusieurs confrontations violentes de son personnage principal, accessoirement avec son épouse (Vivien Merchant) et un supérieur hiérarchique (Trevor Howard), principalement, avec un suspect (Ian Bannen).
L’interrogatoire (non autorisé) de ce suspect est la véritable colonne vertébrale du film qui explique, d’ailleurs, aussi son titre, c’est là que Sean Connery commettra « l’infraction », à savoir un passage à tabac en règle. Adoptant une forme fracturée et quasi expérimentale, Lumet nous montrera l’interrogatoire trois fois. Dès le générique, lorsque les collègues de l’inspecteur découvre la scène (musique dissonante, paroles distordues, image obturée par un cercle de lumière comme une lampe que l’on braque sur un suspect), partiellement au milieu du film et intégralement à la fin.
C’est là qu’apparaît la vérité du personnage principal :
un homme abîmé et obsédé par les horreurs quotidiennes qu’il côtoie depuis longtemps et finissant par s’en repaître. Cette situation lui étant insupportable, il se lance dans une quête obsessionnelle des criminels, ne connaissant plus aucune limite.
Cette ambiguïté est présente dès le début du film, lorsque Lumet filme, en contre-plongée, Sean Connery, portant assistance, de manière maladroite, à une jeune victime apeurée du maniaque, ce qui ne manque pas de provoquer chez le spectateur un certain malaise.
Si le film est théâtral avec sa succession de huis clos pour accoucher de la vérité psychologique, il reste très efficace, installant une atmosphère particulièrement lourde et Lumet se montre, encore une fois, un directeur d’acteurs hors pair.
De fait, les interprètes sont tous remarquables, Sean Connery en tête. De tous les plans et à l’initiative de ce projet, il a là l’occasion de se démarquer de ses prestations dans les James Bond (il l’interprétait, encore, l’année précédente dans « Les diamants sont éternels »). Dans la scène particulièrement glaçante (déception, absence d’amour, incommunicabilité) qui oppose son personnage à sa femme, elle lui répond, alors qu’il lui reproche de se négliger, qu’il n’est pas, lui non plus, un « adonis ». Ironique, pour celui qui était le chéri de ses dames lorsqu’il interprétait l’agent 007.
Assez à part dans la filmographie de Sidney Lumet (seuls « Le prêteur sur gages » et « Equus » sont aussi l’étude de graves troubles psychiques), ce film de 1972, resté inédit dans les salles françaises jusqu’en 2007, mérite d’être découvert, vous y verrez un Sean Connery impressionnant, à l’opposé de son image habituel.