Les Feux sauvages : les secrets du tournage

Ce film est présenté en Compétition au Festival de Cannes 2024.

Les premières images des Feux Sauvages ont été tournées en… 2001 ! D’autres scènes ont été tournées durant les deux dernières décennies, jusqu’à celles de Datong, en 2023. La caméra de Jia Zhangke permet ainsi d’observer la mutation de la Chine, que ce soient les mines de charbon ou bien l’évolution de la jeunesse, en filmant le parcours de certains de ces jeunes sur plusieurs décennies.

Jia Zangke, Zhao Tao (’actrice principale) et son chef opérateur Yu Lik-wai ont pris l’habitude de filmer des morceaux de vie sur plusieurs années, au gré de leurs voyages avec différentes caméras, de la DV à l’Alexa jusqu’à la VR. Parfois, Zhao Tao apparaissait dans le champ, avec la ville en arrière-plan. S’il ne parvenait pas à trouver une connexion entre toutes ces rushes pendant plusieurs années, le réalisateur a réussi à tisser une trame lors du confinement de 2020, en revoyant à la suite toutes les scènes filmées jusqu’alors. Le processus d’écriture a alors duré deux ans et demi.

En plus d’être son actrice principale, Zhao Tao est également la femme de Jia Zangke depuis 2012. Les Feux Sauvages signe également leur neuvième collaboration, entamée depuis Platform(2000). Elle a d’ailleurs étroitement participé au processus d’écriture du film en ayant l’idée, par exemple, que son personnage soit silencieux.

Dans un langage propre à eux, Jia Zangke, Zhao Tao et le chef opérateur Yu Lik-wai disaient vouloir "partir chasser" lorsqu’il s’agissait d’aller filmer des éléments ou des paysages. Cela vient du terme "To shoot" en anglais, qui signifie à la fois "tirer" et "filmer".

Le titre chinois des Feux sauvages est Fengliu Yidai qui signifie "une génération à la dérive". Mais dans le sens littéral, "Fengliu" veut dire "vent et vague", un terme très romantique, en chinois. Jia Zangke s’en explique : "La caméra a capturé des choses que nous pensions avoir oubliées mais ce sont ces choses qui ont fait de nous ce que nous sommes aujourd’hui".

Admirateur de Dziga Vertov, Jia Zangke voulait au départ appeler son film "L’Homme à la caméra numérique", en hommage au documentaire du cinéaste soviétique, L’homme à la caméra (1929).

Dans Les Feux Sauvages, Jia Zangke a réutilisé des plans de ses précédents longs-métrages. On y trouve ainsi huit plans séquences de Plaisirs Inconnus, Still Life et Les Éternels : "Cela ne me gênait pas de les réemployer dans la mesure où c’était pour en faire autre chose, leur donner une autre signification que dans les films d’origine" se justifie-t-il.

Parmi l’équipe technique figure un Français, le chef opérateur Éric Gautier, qui était alors directeur de la photographie sur son précédent long-métrage, Les Éternels. Sur Les Feux Sauvages, il travaille également avec un autre chef opérateur, Yu Lik-wai.

Pour co-écrire son long-métrage, Jia Zangke a fait appel à Wan Jia-huan, avec qui il avait déjà travaillé sur son documentaire Swimming Out Till the Sea Turns Blue. Elle a ainsi dû regarder tous les rushes filmés depuis le début des années 2000 et écrire un film. S’ils ont d’abord pensé à une structure en flashback, ils ont rapidement laissé tomber l’idée pour une construction chronologique : "Suivre la chronologie signifie raconter une histoire comme elle a été vécue, au fil du temps et sans pouvoir en modifier les enchainements", relate le réalisateur.

Jia Zangke connaît Li Zhu-bin depuis 2001 et, après lui avoir octroyé quelques petits rôles sur Plaisirs Inconnus, Still Life, A Touch of Sin et Au-delà des montagnes, il voulait l’embaucher sur Les Feux Sauvages comme directeur de production. Mais après réflexion, le cinéaste a changé d’avis, comme il le raconte : "Les personnages qu’il interprétaient se prêtaient bien à une unification en un parcours unique, ce qui n’aurait pas été possible avec d’autres acteurs auxquels j’ai souvent fait appel".

Le robot qui cite Mère Theresa dans le film existe vraiment. Jia Zangke a voulu montrer la technologie en circulation en Chine, où les robots ont envahi la vie des habitants. Il déclare d’ailleurs cette phrase : "Quand Zhao Tao voyait un robot dans une scène filmée en 2006 c’était de la science-fiction, aujourd’hui c’est du quotidien".

Le long-métrage a été filmé dans trois villes de Chine : Datong à Shanxi, la province natale du réalisateur, qui est en pleine modernisation. Fengjie dans la zone du Barrages des Trois Gorges, "un concentré des bouleversements ultra violents qu’ont connu le pays et ses habitants, avec toutes ces destructions d’une ampleur et selon un rythme inhumain", selon les propos de Jia Zangke. Et enfin Zhuhai, à l’extrême sud, la zone la plus développée.

La dernière partie, contemporaine, a été filmée avec des techniques modernes, utilisant notamment la VR.