Grand Tour a pris forme la veille du mariage de Miguel Gomes. Ce dernier lisait alors un livre de voyage de Sommerset Maugham, A Gentleman in the Parlour, dans lequel l'auteur raconte une rencontre avec un Anglais vivant en Birmanie. Il avait fui sa fiancée à travers l’Asie avant d’être rattrapé et de finalement vivre un mariage heureux... Le metteur en scène se rappelle : "Au fond, il s’agissait d’une plaisanterie, jouant sur des stéréotypes universels : l’entêtement des femmes l’emporte sur la lâcheté des hommes."
"Cette poursuite a pris la forme d’un Grand Tour. Au début du XXe siècle, le «Asian Grand Tour» est le nom donné à l’itinéraire qui part d’une des grandes villes de l’Empire britannique, en Inde, et se termine à l’Extrême-Orient (Chine ou Japon). De ,nombreux voyageurs européens ont entrepris ce Grand Tour et ,plusieurs d’entre eux ont écrit des livres sur cette expérience."
À partir de cette idée sommaire du fiancé prenant la fuite en suivant cette route, Miguel Gomes et le scénariste Telmo Churroa ont décidé qu’il leur fallait faire ce Grand Tour eux-mêmes avant de commencer à écrire le scénario. Le cinéaste confie : "Nous avons filmé cet itinéraire en 2020, créant ainsi des « archives de voyage ». L’écriture est née de notre confrontation avec ces images."
"Contrairement à ce qui se passe habituellement dans les films d’archives, ces images ne viennent pas du passé mais du présent. Et le reste du film, tourné avec des acteurs, en studio, à Lisbonne et à Rome, c’est le passé. L’action se déroule en 1918."
Ce film a été présenté en Compétition au Festival de Cannes 2024.
Les deux personnages parcourent ce vaste territoire pour des raisons complémentaires : Edward, l’homme, fuit sa fiancée Molly ; et Molly, la femme, poursuit son fiancé Edward. Miguel Gomes précise : "Il essaie d’éviter ou du moins de retarder le moment du mariage ; elle essaie d’épouser Edward sans perdre plus de temps."
"Les innombrables péripéties qui résultent des mouvements de chacun d’eux font le film et reflètent l’interaction virtuelle entre Edward et Molly, la symphonie d’un décalage qui naît de l’irruption du monde entre deux individus."
"Comme dans les screwball comedies américaines des années 1930 et 1940, la femme est le chasseur et l’homme la proie. Cependant, les deux personnages sont séparés dans l’espace et le temps du film. Le changement de perspective de l’homme vers la femme conduit la comédie à céder la place au mélodrame."
Pour Miguel Gomes, il y a plusieurs Grands Tours dans ce film. Celui, géographique, des images de l’Asie contemporaine, correspondant au parcours des personnages dans l’Asie imaginaire, reconstituée en studio. Il ajoute : "Il y a le Grand Tour affectif vécu différemment par Edward et Molly : tous deux sont en mouvement dans ce territoire sentimental qui n’est pas moins vaste que celui qu’ils traversent physiquement."
"Et surtout, il y a le Grand Tour qui unit ce qui est séparé - les pays, les sexes, les époques, le réel et l’imaginaire, le monde et le cinéma. C’est surtout à ce dernier Grand Tour que je veux inviter le spectateur du film. Et c’est à cela que sert le cinéma, je crois."